Macdonaldisation de la
pensée
Philippe Meirieu peut être considéré comme l'introducteur, en
France, des nouvelles pédagogies importées des Etats-Unis et dont la
dangerosité a déjà été analysée par Hannah Arendt dans les années 60
(voir à ce sujet La crise de la culture).
L'idée est la suivante
: pour faire face à la massification de l'enseignement, il faut une «
massification » de la culture. Les enfants des milieux populaires
n'étant pas jugés aptes à bénéficier d'une culture traditionnelle, «
classique » (qui sera donc dédiée aux élites), il faut leur réserver un
apprentissage adapté à leur milieu social et à leur niveau. P. Meirieu
eut à ce sujet cette phrase malheureuse qu'il dit ensuite avoir
regrettée : « les enfants des classes populaires peuvent très bien
apprendre le Français dans des notices d'utilisation » .
Véritable
Macdonaldisation de la pensée, cette idéologie a été accompagnée d'un
changement de vocabulaire dont la dangerosité n'a d'égal que son
imbécillité : ainsi un élève n'est plus un « élève » mais un « apprenant
» (dimension active censée masquer la réelle inertie du dit-élève), un
ballon n'est plus un ballon mais un « référentiel bondissant »,
un « stylo» est devenu un « outil scripteur », autant de mots
savants censés donner une légitimité scientifique à des experts ès
éducation (sciences de l'éducation) qui n'ont jamais vu un «
apprenant » de leur vie.
Le savoir sacrifié
L'apprenant, grâce à P. Meirieu, grand fondateur des IUFM, proche
de Allègre et de Jospin (cf. loi d'orientation de 1989) est placé «
au centre du système éducatif », prenant la place du savoir et de
la culture (moyen, au passage, de culpabiliser les enseignants qui,
jusque là, il est vrai, n'avaient pas considérer leurs élèves comme
destinataires de leur savoir, n'est-ce pas ?!!)
L'école n'est
donc plus un lieu de « transmission du savoir » (le savoir étant
considéré comme rébarbatif comme tout ce qui a trait à la contrainte
éducative) mais un « lieu de vie » où nos jeunes sont censés
s'épanouir de façon ludique - d'où les recommandations faites aux jeunes
enseignants dans les IUFM de ne plus les corriger en rouge et de ne
plus évoquer devant eux ce mot tabou qu'est le « travail ».
Il
s'agit de laisser croire que tout peut s'obtenir sans effort, de façon
agréable, que tout peut être consommé. C'est à l’enfant, dès lors, qu'il
appartiendra, quasiment par ses propres moyens (puisque le prof n'est
plus doué d'autorité pédagogique), de redécouvrir le savoir accumulé au
fil des siècles...Vaste fumisterie...
Exit donc l'effort, la
discipline, les estrades, le par cœur, les classiques, les cours
magistraux...Bienvenue le ludique, les romans de gare étudiés en classe,
la disposition de classe en U pour faire plus « cool », l'interactivité
(c'est-à-dire les cours transformés en café du commerce...) et les TIC
(technologies de l'information et de la communication : vaste programme
présenté comme un sésame qui consiste à mettre les élèves devant des
ordinateurs ou des films au lieu de faire cours...)...
L'ascenseur social en panne
Un cours réussi est un cours où l'enseignant parlera le moins
possible, qu'on se le dise ! Le prof est conçu comme l'animateur (terme
qui figure dans les textes officiels) d'un grand foutoir organisé
destiné à satisfaire l'envie de plaisir et de jouissance des élèves
(qui, en théorie, sont « naturellement » disposés à s'enrichir
intellectuellement...Sorte de théorie du « bon sauvage » appliqué aux
enfants).
Et pour clôturer le tout, on laissera aux parents le
soin de décider des passages dans les classes supérieures et on
s'efforcera de supprimer toute forme d'autorité et de sanction, dans les
établissement scolaire de seconde zone afin que la diffusion du savoir y
soit rendu impossible (les établissement d'élite ayant, bien entendu,
des régimes particuliers : on continue à y enseigner le grec, le latin,
l'allemand, et bientôt l'histoire...autant de matières abrogées dans les
autres).
Le hic, bien sûr, c'est que le savoir est toujours
nécessaire pour accéder aux postes à responsabilité et son acquisition
n'étant plus permis par l'école, seuls ceux qui, socialement, en
disposent chez eux, peuvent espérer y parvenir. Les classes moyennes les
plus modestes sont donc les premières victimes de ce déclassement
organisé (les classes populaires n’y ayant jamais eu vraiment accès sauf
de façon marginale). D’où le sentiment de malaise et la peur
grandissantes que ressentent ces foyers au sujet de l‘avenir de leurs
enfants.
On pourra ensuite, toujours s'étonner que l'ascenseur
social ne fonctionne plus et vouloir, pour y remédier, obliger les
grandes écoles à diminuer le niveau de leur concours pour une minorité
au nom de la discrimination positive.
Elever le niveau
On remarquera qu'il s'agit là de prendre le problème à l'envers.
Que diriez-vous, plutôt, d'élever le niveau des classes populaires à
celui des classes bourgeoises grâce à un enseignement de qualité que
sont parfaitement capables de dispenser les profs de notre pays (très
bien formés !!!).
Mais bientôt, le niveau des profs
(suppression des concours et réforme des méthodes de recrutement) sera
aligné sur celui des élèves, ce qui supprimera toute velléité de
dissidence encore trop prononcée chez des profs trop bien formés et donc
mécontents de l’écart qu’ils voient se creuser entre ce qu’ils
pourraient faire et ce qu’on leur demande de faire : la droite libérale
ne fait qu’achever le programme socialiste mis en œuvre via Allègre et
Meirieu depuis 1989.
La méthode promue par Meirieu a tout
simplement rendu tout enseignement impossible dans les nombreux
établissements où elle été mise en application : selon la formule de
Liliane Lurçat (Vers une école totalitaire ? Guibert, 1998), le
pédagogisme est une méthode anti-intellectuelle qui organise la
destruction des intelligences et qui accuse d'élitisme toute forme de
transmission de savoir.
L'élitisme pour tous
Pour ma part, je remercie l'école « élitiste » d'avoir permis à ma
mère, sortie de l'école à 13 ans, de maîtriser parfaitement sa langue
maternelle et d'avoir pu, grâce à cela, exercer avec dignité le métier
de secrétaire que beaucoup de nos bac + 2 actuels seraient incapables de
faire en raison de leurs faiblesses syntaxiques et orthographiques.
Je remercie, pour ma part, mon institutrice de campagne d'avoir eu
une conception « élitiste» de l'enseignement ainsi que tous mes
enseignants de collège et de lycée de banlieue populaire car ils m’ont
ainsi permis d'accéder aux plaisirs de l'apprentissage et de la culture.
Avec un Philippe Meirieu aux commandes, je n'aurais certainement pas eu
cette chance...
Soyons clairs : l'idéologie pédagogique de P.
Meirieux est en grande partie responsable des dysfonctionnements et de
la violence que nous rencontrons aujourd'hui à l'école. Pour ceux qui ne
sont pas convaincus de la nocivité des méthodes pédagogistes, je
conseille le visionnage du film, malheureusement trop peu diffusé, « La
journée de la jupe » (avec I. Adjani), dans lequel on peut dire que
Meirieu est le principal mis en cause.
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