Suite de votre roman feuilleton...
Quelques minutes plus tard, sises autour d’une théière fumante, les deux jeunes filles reprennent leurs propos. Edith lance :
- On dit que la cohabitation permet d’essayer la vie à deux, afin de voir si cela marche.
- En fait, ils pensent qu’un couple se construit, vit et meurt à partir de la sexualité. En fait, celle-ci est plutôt une conséquence de la qualité du couple plutôt que la cause ; elle sera d’autant plus épanouie qu’elle aura laissé de la place aux sentiments, à la tendresse, à la complicité, à l’accueil de l’autre avec toutes les facettes de sa personnalité. Du coup, vouloir vérifier l’entente physique conduit souvent à l’impasse, car les partenaires se sentent « essayés » et se croient obligés d’être performants en oubliant « d’être » eux-mêmes, tout simplement.
- … Mais comment sais-tu tout ça ?
- J’ai lu de nombreux témoignages sur la question du concubinage. Et puis il y a aussi des chiffres : on a remarqué entre autres que les couples qui ont vécu ensemble avant le mariage divorcent autant, sinon plus, que les autres qui n’ont pas cohabité.
- C’est peut-être, parmi de nombreuses raisons, parce qu’on prend plus de soin à choisir quelqu’un avec qui on veut se marier et donc vivre toute la vie, que quelqu’un à qui on dit : « On voit si ça marche. »
- C’est vrai. Par ailleurs, il y a un cercle vicieux, car les jeunes se disent : « Il y a plein de divorces, je n’ai pas envie de divorcer, donc je ne m’engage pas dans le mariage, donc je cohabite. » Mais comme la cohabitation favorise plutôt le divorce, eh bien les jeunes divorcent encore plus. Et l’on ne s’en sort plus ! Par ailleurs, j’ai lu que la majorité des cohabitants sans enfant ne passe pas la barrière des cinq ans de vie commune. Qu’à partir de trente ans les femmes commencent à trouver leur situation très inconfortable : elles se préoccupent du temps qu’il leur reste pour fonder une famille stable, étant donné que leur période de fécondité n’est pas éternelle… et elles cherchent à se stabiliser, parfois à n’importe quel prix. De ce fait, on rencontre beaucoup de femmes de quarante ans qui seront toute leur vie célibataires.
Laurence tousse, boit un peu de thé, reprend :
- Par ailleurs, souvent, les gens ne prennent pas réellement la décision de vivre ensemble. Ils ont plutôt décidé de ne pas renoncer à tout, de ne pas prendre de décision ; de ce fait, la non-décision devient une décision par défaut, et l’on reste ensemble parce que c’est « mieux que rien », mais c’est plus par habitude que par amour. Car en mettant fin à cette relation, vous pouvez vous retrouver face à l’inconnu, avec des rêves brisés et une sensation de vide.
Edith lève son arcade sourcilière :
- Tu dis que la rupture est difficile après la cohabitation. Mais le mariage crée des liens qu’il est encore plus difficile de briser !
- C’est vrai, mais vois-tu, l’engagement exprime une volonté affirmée de faire vivre l’alliance pour le meilleur et pour le pire – alors que le concubinage, c’est un peu « pour le meilleur et sans le pire » ! -, et en cas de désamour, les conjoints peuvent s’appuyer sur leur promesse pour raviver la flamme qui vacille.
- Ce que tu parles bien, ma chère ! sourit Edith.
- Ils savent qu’une baisse de régime n’est pas forcément définitive ou fatale, car ils ont promis de tout faire pour s’aimer toujours. Mais ceux qui ne sont pas engagés n’ont rien à quoi se raccrocher quand leur passion faiblit : pourquoi se battraient-ils pour un partenaire qu’ils peuvent perdre le lendemain ?
La jeune infirmière coupe une tranche de brioche, sans mot dire. Son amie reprend plus doucement :
- Par ailleurs, on a constaté que beaucoup de cohabitants, au bout du compte, finissent par douter d’eux-mêmes, car ils ne se sentent reconnus et aimés qu’au conditionnel, ils doutent de leur valeur, puisque même celui qui prétend les aimer refuse de les aimer inconditionnellement. En cas de rupture, beaucoup se disent : « Il m’a quitté parce que je suis nulle, parce qu’il a trouvé mieux ailleurs. » Et quand la souffrance est trop forte, ils cherche à se rassurer n’importe comment, en multipliant les relations amoureuses, mais ces échecs successifs leur font croire qu’ils sont incapables d’aimer et d’être aimés, et l’amour lui-même est dévalorisé ; la sexualité est banalisée car elle n’est plus perçue comme le don ultime de deux personnes qui s’aiment, mais un moyen de se préserver de la solitude. Ces relations superficielles rendent ces gens incapables de vivre un amour adulte.
- Je le crois volontiers. Mais même si la souffrance est forte en cas de séparation, c’est plus simple au niveau administratif que pour un divorce puisque ça reste dans le domaine privé !
- Tu te trompes lourdement, car justement, comme on ne peut pas appliquer une loi protégeant le faible du fort, le plus confiant du moins honnête, parce que justement ce couple se veut informel et non-officiel, il arrive que l’un des deux soit complètement volé par l’autre, aucun papier n’ayant déterminé le partage des biens.
- Oui, c’est vrai…
- Et puis il y a encore plein d’inconvénients ! Par exemple, imagine toutes les chances qu’il y a pour que tous ces couples qui se font et se défont deviennent facilement jaloux dès qu’un tiers arrive ! Leur partenaire a déjà « lâché » quelqu’un, pourquoi ne le ferait-il pas de nouveau ? La confiance s’ébranle aisément dans une pareille situation. Alors on essaie tout pour garder son partenaire… Par ailleurs, il a été constaté que ceux qui ont eu plusieurs aventures amoureuses avant le mariage trompaient plus fréquemment leur conjoint, ce qui est assez logique. Cela ne facilite rien !
- Bon, j’ai bien compris tout cela, déclare Edith en se resservant. En revanche, peux-tu me donner quelques arguments en faveur du mariage ?
- Mettons-nous d’accord : le mariage, est, non pas une fin, mais un départ. On ne se marie pas tant « parce qu’on s’aime », mais « pour s’aimer ». C’est un projet commun, qui unit les conjoints, les motive, les enthousiasme. Il faut avoir tous les deux les mêmes priorités et un certain nombre de points communs !
- Mes parents m’ont toujours dit que plus il y en aura… moins il y aura de risques de disputes !
- Oui ! Ensuite, l’engagement des époux est la source et le moteur de leur volonté d’aimer, qui n’est pas une contrainte mais un ressort qui pousse chacun à se dépasser pour le bonheur de l’autre. S’il ne garantit pas absolument au succès de la relation, il y contribue fortement, car il est garant de la constance, de la stabilité, du désir de réussir, nécessaires pour évoluer vers plus de maturité, vers un plus grand amour. Quant aux conflits, je t’ai dit il y a quelques instants qu’ils ne remettaient pas en cause leur projet initial ni leur amour.
Edith opine du chef, tandis que Laurence reprend :
- Et puis la fidélité, dont nous avons souligné aussi le rôle de perfectionnement, permet aussi de dire à chacun qu’il est unique, irremplaçable. Tu préfères quand même qu’on te dise : « Je t’aime et te choisis pour toujours » que « Tu n’es pas trop mal… Je t’essaie et on verra. » !
- Oui ! dit Edith en riant.
- La fidélité est donc dynamique, inventive, créatrice, elle résulte d’un choix délibéré. Le dialogue, la confiance, le pardon… sont essentiels. Le mariage dit : « Aime, vis, fais vivre et fais ce que tu veux. » Mais les mœurs actuelles disent : « Protège-toi, ne donne ou n’attrape pas la mort, ne sors plus sans ton préservatif. » Je ne sais pas ce que tu préfères…
Nouvel éclat de rire.
- Donc le mariage est une cordée où l’on s’attache pour être plus sûr et plus libre, une reconnaissance sociale de l’amour et du couple, un défi à l’usure du temps, un engagement à se dire « oui » chaque matin plutôt qu’une fois pour toutes…
- Et aussi le reflet de l’Amour du Dieu-Trinité, infini et éternel, conclut Edith en regardant dans les yeux son amie, Laurence Dujols.
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