On entend énormément parler de "l'Europe sociale". Tout le monde essaye de nous la vendre. Mais qu'en est-il vraiment ? Ceux qui en parlent le plus, de gauche ou d'ailleurs, ont souvent voté et encouragé des mesures détruisant les protections sociales et permettant l'harmonisation.
A l'origine, la politique sociale était l'apanage des gouvernements. On considérait alors que le social suivrait la croissance économique, et qu'il fallait donc la priorité à l'économie. Il fallait préparer le marché commun et soumettre l'homme à l'économie. Le 1er progrès s'inscrit dans le cadre du traité de Rome : la liberté de circulation des travailleurs et la sécurité sociale des travailleurs migrants sont reconnus. Normal, ces éléments facilitent l'économie et l'échange économique. Ce n'est qu'après les 30 glorieuses, les 1ères tensions apparaissent. Le chômage de masse apparaît, concrétisant de manière dramatique l'irruption violente du social dans l'union.
L'objectif actuel de la commission est de créer une économie européenne compétitive.
• Promotion de l’emploi
• Egalité homme/femme sur le marché du travail
• Amélioration des conditions de vie et de travail
• Protection sociale adéquate
• Dialogue social
• Développement des Ressources Humaines propres à assurer un niveau d’emploi élevé et durable
• Lutte contre l’exclusion et Insertion sociale
• Atteindre un niveau d’emploi élevé sans baisser la compétitivité
• Reconnaissance des compétences et des qualifications
L'objectif futur est de faire de l'UE la 1ère économie du monde.
• Création de meilleures et plus nombreuses places de travail
• Meilleure cohésion sociale
• Systèmes de retraite viables
• Lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale
• Promotion de l’emploi
• Modernisation de l’emploi
Il s'agit donc d'objectifs ambitieux, que ces temps de crise risque de rendre encore plus inaccessibles. Dans le domaine social, le conseil européen fixe les décisions principales en codécision avec le parlement, notamment sur le fond social européen, la libre circulation des travailleurs et la sécurité sociale des travailleurs migrants. Dans cette affaire-là, la commission se contente de contrôler l'application des traités, et de déléguer au comité économique et social ce qu'elle peut déléguer ou encore élaboration de la charte communautaire.
Un certain nombre de comités consultatifs interviennent aussi dans le processus de décision : le comité pour la sécurité sociale des travailleurs migrants, le comité du fonds social européen (principal instrument financier pour la politique sociale), le comité pour l'égalité des chances entre hommes et femmes. Leurs buts est de réduire le chômage et former les travailleurs.
Parallèlement, la commission négocie avec les partenaires sociaux : dialogue sociale associant la Confédération européenne des syndicats (CES), l'Union des industries de la Communauté européenne (UNICE), le centre européen de l'entreprise publique (CEEP). Ces partenaires sont importants au niveau national, car il assure la mise en œuvre de directives, et au niveau communautaire, car leurs consultations sont obligatoires.
Le 1er programme d'action sociale est mis en place en 1974 ; il prévoit une implication plus forte du politique dans l'amélioration des conditions de vie des travailleurs. On croit sauver l'économie en sauvant les conditions de vie. On prend les symptômes pour les remèdes. Mais qu'importe ! L'acte unique européen signé en 1987 est un tournant décisif concernant la santé et la sécurité sur les lieux de travail. Le dumping social est interdit ; il n'est donc pas permis de transférer des entreprises vers des régions où le niveau social est moins élevé…
Cette politique trouve son aboutissement dans la charte des droits sociaux fondamentaux des travailleurs de 1989. Celle-ci fixe les grands principes du droit du travail européen.
Le traité de Maastricht de 1992 élargit le champ des compétences de la commission dans le domaine social : elle doit assurer le relèvement du niveau de vie et assurer un niveau de protection sociale élevée tandis que le fond social européen est réorienté vers l'éducation et la formation professionnelle.
Adoption de quatre directives :
• institution d’un comité d’entreprise européen
• accord-cadre sur le congé parental
• charge de la preuve dans les cas de discriminations fondées sur le sexe
• accord-cadre sur le travail à temps partiel
Le traité d'Amsterdam appliqué en 1999 montre la volonté d'impliquer un peu plus les politiques dans le domaine social. Le rôle des partenaires sociaux est réaffirmé.
• Adoption d'une disposition relative à la non-discrimination afin de lutter contre toute discrimination fondée sur le sexe, la race, l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle
• Instauration d’une politique communautaire de l’emploi : élaboration de lignes directrices pour l’emploi applicables dans tous les états membres
Se succèdent également le livre blanc de 1995, l'agenda 2000 signé en 1997, le livre vert de 2001 sur l'acquis social et la RSE. Pour les entreprises, ces politiques permettent d'abattre les contraintes économiques ou financières, d'ouvrir le marché à de nouvelles opportunités de croissance et de profiter des écarts de niveaux de vie européens. Cependant, les contraintes juridiques se multiplient. Il y a moins de libertés pour les entreprises, puisque Bruxelles les contrôle systématiquement (Legrand ou Alstom en firent les frais). Les PME sont également concernées. Sous prétexte de protéger les employés, Bruxelles surveille tout, et restreint ainsi la liberté d'entreprendre.
De nouveaux défis s'imposent à l'union :
- le discrédit de la commission, qui n'assume pas son rôle de protection des emplois face à la crise
- L'immigration : regroupement famililal, législation sur le droit d'asile, la lutte contre l'immigration clandestine
- Le marché du travail : protection sociale, égalité homme/femme, droit des travailleurs, salaire minium
L'immigration est-elle compatible avec le respect des travailleurs ? Plusieurs en doutent. Mais l'union préfère continuer à y croire.
Ces nouveaux défis recouvrent également les intégrations potentielles, au premier rang desquelles il faut placer la Turquie. La première étape vers l'intégration est l'ouverture des négociations. On peut donc conclure des négociations actuelles avec la Turquie que, dans l'esprit des eurocrates, la Turquie doit intégrer l'union à terme. Il faut donc arrêter toutes négociations si l'on veut éviter cela. Pour faire partie de l'Union, ils doivent remplir les « critères de Copenhague », que l'on vérifie progressivement lors de la période de négociations :
• être une démocratie stable, respectueuse des droits de l'homme, de la règle de droit et de la protection des minorités
• être doté d'une économie de marché effective
• adopter les règles, normes et politiques communes qui constituent le corps législatif de l'Union Européenne.
Parallèlement, l'Albanie se dit candidate ; la Croatie ne devrait plus tarder à intégrer…Un programme des intégrations a d'ailleurs été fixé. Qu'en pensent les peuples de l'union ? Il faut croire qu'ils n'ont pas voie au chapitre…
Défi de taille qu’est l’élargissement : l’Europe sociale sera-t-elle viable ? Pour se protéger, l'union a mis la législation de l'acquis communautaire, qui concerne tous les principes issus des traités. Mais actuellement, sous la pression démagogique, l'union bâcle les intégrations. La Roumanie et la Bulgarie n'ont pas fait suffisamment d'efforts pour mériter l'intégration. 158 milliards vont être investis dans les PECO d'ici 2013. On observe la création d'une union à plusieurs vitesses. Les délocalisations croisent les migrations de travailleurs pour harmoniser les économies par le bas tandis que les investissements sans cesse plus importants de l'union grèvent largement les économies occidentales. Même les pays nouvellement intégrés voient leurs taux de chômage augmenter : les restructurations et les privatisations réduisent l'emploi dans les secteurs industriels et agricoles. Seuls les pays qui diffèrent leurs restructurations ne connaissent pas de baisse notable de l'emploi. La protection sociale régresse alors que les performances économiques s'accroissent. De plus, en s'installant, les entreprises européennes anéantissent tous les commerces ou activités locales. Ce sont des emplois perdus, car les qualifications des travailleurs ne correspondent pas à ce que souhaitent les entreprises occidentales. En outre, que penser des politiques européennes comme le programme REACH, qui impose des mesures de contrôle tellement restrictives qu'elles attaquent directement la compétitivité des entreprises ? Le programme REACH fut créé pour soutenir la politique de développement durable. L'union espère en effet construire une économie prospère fondée sur le respect de l'environnement. Ce programme a banni des usines des milliers de substances chimiques qui sont largement acceptées ailleurs, et que l'union ne veut plus voir sous prétexte qu'elles sont polluantes. Alors que le dumping social est interdit, les délocalisations sont tolérées. Les coûts sont faibles, les transports faciles tandis que les taux de change sont attrayants. Rien ne s'oppose aux délocalisations. Il n'en demeure pas moins que les investissements sont beaucoup plus faciles dans les pays nouvellement intégrés.
L'Europe sociale est donc un paradoxe. "Social" signifie que la liberté de circulation des marchandises et des hommes doit être totale. Et pour ceux qui se retrouveraient sur la touche, l'union crée ou impose aux Etats des mesures de protection sociale, qui ne remplaceront jamais le sentiment d'utilité que confère un emploi stable. Les eurocrates restent largement orientés vers la rentabilité et les bénéfices, quitte à détruire pour y parvenir. Est-il encore possible à l'union de sauver ce qui peut l'être ? L'harmonisation est la base même de sa construction, que les Etats-Unis veulent fédérale. Tant qu'elle restera au cœur de la politique européenne, l'union risque d'accroître gravement son impopularité.
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