Suite de votre roman feuilleton !
Remis de ses émotions, Adagio partit en opération extérieure – opex – dans une zone de conflit au fin fond de l’Afrique, afin de faire respecter les clauses d’un traité signé entre deux ethnies.
Il fut intégré dans une patrouille pédestre chargée, selon l’objectif officiel, « d’observer la région à sécuriser et à protéger, d’établir un contact avec les habitants de la région, et de les rassurer ».
C’est ma foi, à peu près ce qu’ils firent. Heureusement, les violences s’avérèrent ni fréquentes ni vraiment graves. Et Adagio fêta ses vingt ans, le vingt-deux juin suivant, par une chaleur torride, dans un petit village à l’ombre de la forêt équatoriale où vivaient gorilles et léopards. Grâce à Dieu et à son cachet quotidien de névaquine, il ne fut pas atteint du paludisme, ni d’ailleurs de la maladie du sommeil qu’aurait pu lui transmettre la mouche tsé-tsé. Il se contenta de manger des bananes et des noix de coco, et ne s’en porta pas plus mal. Il s’en porta même plutôt mieux.
Malgré ces quelques plaisirs dépaysants, Adagio, en découvrant une misère physique et morale qui n’existait certes pas à Antania, en côtoyant des réalités tellement différentes de celles qu’ils avait connues jusque là, grandit beaucoup en maturité. Il prit entre autres conscience de la fragilité de l’être humain, et combien l’homme peut parfois être mauvais et… inhumain.
Il rentra donc dans sa patrie, le mois d’août qui suivit, profondément changé, non pas tant à cause du hâle qui brunissait son visage, mais parce que son cœur était plus large, plus combatif, et surtout plus humble. Ce qui lui permit d’affronter les prochaines épreuves.
* * *
Mardi 12 août. Baudouin – alias Hector Villabulle – endure mille peines pour rédiger un article sur un banal événement dont il n’a rien à dire : une compétition d’athlétisme. Parce qu’il est peu expérimenté en journalisme – même si cela fait déjà un an et demi que l’agent secret du S.P.I.R. a été engagé -, on lui refile tous les sujets sans intérêt. Du moins c’est ce qu’il pense. Et Baudouin grogne.
Soudain, en levant les yeux sur l’écran où sont affichées les dernières actualités, il lit : Découverte d’une impressionnante quantité de minerais d’uranium dans les sols d’Antania. Une fabuleuse source de richesse pour notre pays.
… Le soir même, tout en sirotant un thé à la cerise par cette chaleur torride, l’homme au nez aquilin fait une mise au point :
- Rien de nouveau depuis la tentative d’Angevert, Large-Carrure et Petites-Lunettes. Hélas, je ne les ai pas traînés en justice, n’ayant pu les prendre sur le fait et faute d’indices suffisants. Si seulement je n’avais pas supprimé par mégarde l’enregistrement numérique pris dans l’appartement de Large-Carrure ! Ah ! Ces ordinateurs ! De plus, cela m’énerve de les revoir chaque jour, tout sourire. Heureusement - du moins je le pense -, ils ne se sont jamais aperçus de ma véritable identité. Mais on nous apprend assez, à l’école du S.P.I.R., à jouer un autre personnage que le nôtre…
Il soupire.
- Toujours la solitude. J’ai fini par m’y habituer. Depuis mon divorce, il y a bientôt… Seigneur ! Déjà vingt-cinq ans.
Mais son émotion est bientôt interrompue : le récepteur spécial S.P.I.R. clignote.
- Un message de mon chef de réseau. Vite, déchiffrons le code. Heu… Les… services… secrets… lettons… ont… été… informés… avant… l’heure… de la… fabuleuse… découverte… d’uranium… Nos… propres… services… ont… intercepté… l’info… et la… Lettonie… voudrait… faire… une attaque… … contre… Antania…
Un effroyable juron sort de la bouche de Baudouin. Il reprend :
- … Nous… contactons… donc… nos… agents… afin… qu’ils… préviennent… les… autres… Contactez… l’agent… Pénélope… En effet… Il… faut… prendre… contact… en… urgence… avec le roi… sans ameuter… immédiatement… la population…
Le visage de l’agent s’assombrit.
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