Mardi, la Conférence des évêques d'Irlande a publié un communiqué selon lequel "un catholique peut voter oui ou non en bonne conscience. La mise en commun de la souveraineté dans des domaines précis, tout en respectant la subsidiarité, peut renforcer l'intérêt général des européens".
Ce qui fait dire au site européiste Touteleurope.fr que "l'Eglise catholique prend parti pour le oui". Difficile de faire plus malhonnête !
Il faut dire que le communiqué tranche avec l'argumentaire anti-traité de Lisbonne diffusé récemment dans un organe officiel de l'Eglise catholique en Irande où les lois européennes sont qualifiées d'"instrument d'oppression". Ni plus ni moins.
Et contrairement au souhait des évêques d'Irlande, l'UE ne respecte pas le principe de subsidiarité, comme le démontre Thierry Bouclier, docteur en droit, avocat à la Cour à propos du traité constitutionnel :
La doctrine sociale de l’Eglise a mis en avant, à partir du XIXème siècle, le principe de subsidiarité en vertu duquel l’échelon supérieur ne doit pas interférer dans les affaires de l’échelon inférieur. Le mot subsidiarité, qui vient du latin « subsidium » signifie au sens propre « la réserve », les troupes fraîches que l’on conserve pour les envoyer au combat lorsque la première ligne faiblit. En matière communautaire, l’application de ce principe est facile à comprendre : si un Etat peut assumer seul sa responsabilité, il est compétent. S’il ne le peut pas, c’est l’Union qui devient compétente. Et s’il a besoin de la coopération, la compétence est partagée. Ce principe essentiel se rencontre dans les relations existant entre tous les corps constitués, la famille, la commune, l’Etat, et l’Europe. La commune n’a pas à effectuer ce que la famille peut faire seule, l’Etat n’a pas vocation à s’immiscer dans les affaires de la commune, et l’Europe n’a pas à se substituer à l’Etat.
La compétence de droit commun appartient à l’échelon inférieur, le plus proche, l’échelon supérieur, le plus lointain, n’intervenant que lorsque sa participation est nécessaire et inévitable.
Dans Quadragessino anno, le Pape Pie XI écrit que « de même qu’on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communauté, les attributions dont ils sont capables de s’acquitter de leur seule initiative et par leurs propres moyens, ainsi ce serait commettre une injustice, en même temps que troubler d’une manière très dommageable l’ordre social, que de retirer aux groupements d’ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d’un rang plus élevé, les fonctions qu’ils sont en mesure de remplir eux-mêmes. L’objet naturel de toute intervention en matière sociale est d’aider les membres du corps social, et non pas de les détruire ni de les absorber. »
Le principe de subsidiarité a également été développé et approuvé par Léon XIII dans Rerum Novarum et par Jean XXIII dans Mater et Magistra.
Une lecture superficielle du traité constitutionnel pourrait laisser croire que l’Union européenne respecte ce principe défendu par l’Eglise catholique. En effet, il énonce que « le principe d’attribution régit la délimitation des compétences de l’Union. Les principes de subsidiarité et de proportionnalité régissent l’exercice de ses compétences. En vertu du principe d’attribution, l’Union agit dans les limites des compétences que les Etats lui ont attribuées dans la Constitution pour atteindre les objectifs qu’elle établit. Toute compétence non attribuée à l’Union dans la constitution appartient aux Etats » (article I-11-1).(...) Le principe de subsidiarité est donc, a priori, respecté. Le problème, et il est essentiel, tient au fait que le traité constitutionnel attribue quasiment toutes les compétences à l’Union à savoir : l’union douanière, l’établissement des règles de concurrence, la politique monétaire, la politique de la pêche, la politique commerciale, la conclusion d’un accord international, la politique étrangère et de sécurité commune (article I-12). Dans tous ces domaines essentiels, l’Union dispose d’une compétence exclusive. Dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union se réserve le droit d’intervenir en application du principe des « compétences partagées » : le marché intérieur, une partie de la politique sociale, la cohésion économique, sociale et territoriale, l’agriculture et la pêche, l’environnement, la protection des consommateurs, les transports, les réseaux transeuropéens, l’énergie, l’espace de liberté, de sécurité et de justice, les enjeux communs de sécurité en matière de santé publique (article I-14). Enfin, dans les domaines qui restent de la compétence exclusive des Etats, l’Union dispose d’une compétence pour mener des actions de coordination ou de complément : la protection et l’amélioration de la santé humaine, l’industrie, la culture, le tourisme, l’éducation, la jeunesse, le sport et la formation professionnelle, la protection civile et la coopération administrative (article I-17).
Il n’existe donc plus aucun domaine dans lequel l’Union européenne n’intervient pas. Après avoir énoncé le respect du principe de subsidiarité, le traité constitutionnel instaure une subsidiarité renversée. L’intervention de l’Union européenne constitue la règle et celle des Etats l’exception. Que reste-t-il aux Etats ? Rien. La fausse subsidiarité de l’Europe a tout vidé, creusé, absorbé. La France n’est plus qu’une coquille vide. Echouée sur la plage de la société civile mondialisée et pouvant à tout instant être brisée.
Or, le pape Pie XI nous l’a rappelé : « L’objet naturel de toute intervention en matière sociale est d’aider les membres du corps social, et non pas de les détruire ni de les absorber ».
Le traité constitutionnel européen viole le principe de subsidiarité rappelé successivement par les papes Léon XIII, Pie XI et Jean XXIII (...).
Le traité de Lisbonne étant la copie du traité constitutionnel, cette critique reste valable.
De plus, il faut vraiment être désinformé pour ne pas voir à quel point l'UE milite pour la culture de mort et contre les points non-négociables (respect de la vie, défense de la famille, liberté d'éducation).
Voter "non" au traité de Lisbonne n'est pas un droit pour un catholique, c'est un devoir.
Je ne suis pas favorable au Traité de Lisbonne. Néanmoins l'argumentation présentée ici se fonde sur la Doctrine sociale de l'Eglise (DSE). Or précisément la définition du principe de subsidiarité a changé : cf. Benoit XVI, Caritas in veritate § 57. Pie XI a défini le principe de subsidiarité dans l'encyclique Quadragesimo Anno : « De même qu'on ne peut enlever aux particuliers pour les transférer à la communauté les attributions dont ils sont capables de s'acquitter de leur propre initiative et par leurs propres moyens, ainsi ce serait commettre une grave injustice, en même temps que troubler d'une manière très dommageable l'ordre social, que de retirer aux groupements d'ordre inférieur pour les confier à une collectivité plus vaste et d'un rang plus élevé, les fonctions qu'ils sont en mesure de remplir eux-mêmes. »
Benoit XVI écrit : "La subsidiarité est avant tout une aide à la personne...lorsque la personne et les acteurs sociaux ne réussissent pas à faire par eux-même ce qui leur incombe..." Est-il bien prudent de se référer à une "doctrine" aussi évolutive - sur ce point comme sur bien d'autres ?
Rédigé par : B. de Midelt | 24 septembre 2009 à 20h26