Raphaël Enthoven signe cette excellente tribune dans L'Express :
Pourquoi l'art contemporain est-il élitiste ? D'abord parce qu'étant, pour le moins, d'une qualité variable, il a besoin, pour prospérer, d'en appeler à l'idée reçue que ce qui est inaccessible est nécessairement génial. Comment vendrait-on des rectangles marron sur carrés gris, une pastèque sur un piédestal (Fiac 2009) et d'autres produits dont le minimalisme recouvre souvent la vacuité, sans parier sur le snobisme d'un spectateur qui, flatté d'en pressentir l'audace et le sens caché, excommunie les sceptiques comme un troupeau de réactionnaires, de grincheux et d'imbéciles?
"Quand tout le monde peut devenir artiste, l'art ne s'adresse à personne"
Ensuite, parce qu'il est individualiste. Et comment ne pas l'être quand on considère qu'il suffit de s'exprimer pour être un artiste ? Réduit, comme dit Jean Clair, académicien atrabilaire, à "un idiotisme exprimant les caprices infantiles d'un individu qui croit ne rien devoir à personne", l'art contemporain est le théâtre d'une étonnante inversion, au terme de laquelle il est plus facile d'être "artiste" que spectateur. L'hermétisme (et donc l'élitisme) lui vient, paradoxalement, d'une démocratisation du geste même de l'artiste qui, se prenant au sérieux et remplaçant le talent par le seul courage de s'exprimer, dispense de tout effort, à commencer par celui de se rendre intelligible. Quand tout le monde peut devenir artiste, l'art ne s'adresse à personne. Les spectateurs de l'art contemporain n'ont pas tort, à ce titre, de considérer qu'il n'y a pas un art contemporain, mais autant d'arts contemporains qu'il y a d'artistes. Le problème, c'est qu'à ce compte-là il n'y a plus d'art du tout. [Lire la suite...]
Commentaires
Vous pouvez suivre cette conversation en vous abonnant au flux des commentaires de cette note.