Alfred Denoyelle, Docteur en Histoire, promu à la Katholieke Universiteit Leuven, rappelle l'engagement de Pie XII pour sauver le plus de Juifs possible :
(...) le 24 novembre 1938, le journal des sinistres S.S., Das schwarze Korps, écrit que le cardinal Eugenio Pacelli (le futur Pie XII, NDLR) s'est allié « à la cause de l'internationale juive et franc-maçonne » (sic). Hitler estime, quant à lui, que le Vatican est « le pire foyer de résistance » à ses plans. Qui donc, parmi les pays et les hommes politiques, pourrait se vanter d'avoir reçu un tel compliment ?
En date du 10 janvier 1939, le cardinal Pacelli adresse une lettre à ses confrères des États-Unis d'Amérique et du Canada pour attirer leur attention sur le sort des savants et professeurs juifs chassés d'Allemagne et que l'administration américaine refusait jusqu'alors de recevoir dans ses universités.
(...) lorsqu'à la fin de 1939, il dénonce déjà les atrocités commises en Pologne, la réaction des Nazis est d'une violence telle que les évêques de ce pays supplient le pape de ne plus s'indigner de cette façon. Bientôt, la radio du Vatican sera brouillée comme celle de Londres, en guise de représailles.
Cependant, se taire n'est pas de mise. Aussi Pie XII, tout en modérant ses propos, continue-t-il à contrecarrer Hitler et ses affidés qui organisent la « purification ethnique » par leur exigence d'un Ausweis de « bon Aryen » pour pouvoir vivre normalement.
Aussi, dans son message radiodiffusé de Noël 1941, Pie XII condamne « l'oppression, ouverte ou dissimulée, des particularités culturelles et linguistiques des minorités nationales » ainsi que « l'entrave et le resserrement de leurs capacités naturelles » avec « la limitation ou l'abolition de leur fécondité naturelle ».
Moins d'un mois après, soit le 20 janvier 1942, les Nazis décident de mettre en œuvre la « solution finale » (extermination complète des Juifs).
Le thème de la paix revient dans le message radiodiffusé prononcé par Pie XII à la Noël 1942. D'abord, le pape fait observer que « tout ce qui en temps de paix demeurait comprimé, a éclaté dès le déchaînement de la guerre en une lamentable série d'actes en opposition avec l'esprit humain et l'esprit chrétien ». Il déplore que « les conventions internationales, dont l'objet était de rendre la guerre moins inhumaine en la limitant aux combattants, de déterminer les lois de l'occupation et de la captivité des vaincus, sont, en maints endroits, restées lettres mortes ».
Ensuite il déclare que les peuples doivent faire le vœu de ne s'accorder aucun repos jusqu'à ce que tous se dévouent au service de la personne humaine. Il précise que ce vœu, « l'humanité le doit aux centaines de milliers de personnes qui, sans aucune faute de leur part, et parfois pour le seul fait de leur nationalité ou de leur race, ont été vouées à la mort ou à une extermination progressive ».
En date du 2 juin 1943, Pie XII tient un discours devant le collège des cardinaux et y exprime sa sollicitude envers ceux qui, à cause de leur nationalité ou de leur race, sont « livrés à des mesures d'extermination » dont il voudrait fustiger toute l'ignominie par le détail et en des termes plus forts, ainsi qu'il ressort des 124 lettres écrites aux évêques allemands pendant la guerre.
Il fait cependant remarquer que « toute parole de notre part à l'autorité compétente, toute allusion publique doivent être sérieusement pesées et mesurées, dans l'intérêt même des victimes, afin de ne pas rendre leur situation plus grave et plus insupportable ».
Les évêques hollandais en avaient fait l'expérience après avoir, en juillet 1942, protesté contre la persécution des Juifs : aussitôt les Nazis organisèrent une fouille minutieuse des monastères et des couvents. Dans tout le pays, il en résulta une rafle de très nombreux Juifs cachés là.
Mais l'indignation l'emporte parfois sur la prudence malgré les résolutions prises et les conseils donnés à autrui.
C'est ainsi, par exemple, que Radio Vatican déclare en date du 26 juin 1943 que « Quiconque établit une distinction entre les Juifs et les autres hommes est un infidèle et se trouve en contradiction avec les commandements de Dieu. La paix dans le monde, l'ordre et la justice seront toujours compromis tant que les hommes pratiqueront des discriminations entre les membres de la famille humaine. »
Le New York Times cite et acte ce message dans son tirage du jour suivant.
C'est ainsi encore que, devant les atrocités toujours plus nombreuses commises par la Gestapo et les S.S., le pape Pie XII laisse l'Osservatore Romano exprimer l'indignation universelle dans son numéro du 25 octobre 1943.
Aussitôt les Allemands font saisir le journal dans les kiosques et menacent de reprendre les perquisitions dans les monastères pour y débusquer les Juifs cachés.
En outre, le commandant des S.S. de Rome ordonne au chef de la communauté israélite de fournir 50 kg d'or dans les 24 heures sous peine de déportation immédiate de 200 autres Juifs (une grande rafle ayant déjà eu lieu le 16 octobre 1943). La collecte n'ayant réuni que 35 kg d'or, le grand rabbin de Rome reçoit du pape Pie XII les 15 kg manquants.
Pie XII n'avait pas attendu ce jour-là pour agir en faveur des Juifs. Il organisait, avec l'aide du clergé de Rome et d'ailleurs, des réseaux pour faire échapper les Juifs aux griffes des Nazis. Par diverses filières, ils pouvaient ensuite gagner des pays neutres ou faisant partie de la conférence des Alliés.
Le 29 novembre 1944, une délégation de 70 rescapés vient, au nom de la United Jewish Appeal (organisme dirigeant du mouvement sioniste mondial), exprimer à Pie XII la reconnaissance des Juifs pour son action en leur faveur.
Peu après la guerre, Albert Einstein, savant de renommée mondiale, mêle sa voix au concert de louanges et d'hommages qui montent vers le Vatican en déclarant que « l'Église catholique a été la seule à élever la voix contre l'assaut mené par Hitler contre la liberté ».
Le 9 février 1948, Pinchas E. Lapide, alors consul d'Israël à Milan, est reçu en audience par Pie XII. Celui-ci se voit à nouveau remercié pour ses multiples interventions en faveur des Juifs.
Le 26 mai 1955, des musiciens Juifs au nombre de 94, venus de 14 pays différents, jouent devant Pie XII la neuvième symphonie de Beethoven et ce, pour lui exprimer leur gratitude d'avoir arraché à la mort tant de Juifs pendant la guerre et pour célébrer la grandiose œuvre humanitaire accomplie par lui.
Le 9 octobre 1958, Pie XII décède et les messages de condoléances affluent vers le Vatican. On y relève celui de Golda Meïr, ministre des affaires étrangères d'Israël, qui souligne en cette occasion que « pendant la décennie de terreur nazie, quand notre peuple a subi un martyre terrible, la voix du pape s'est élevée pour condamner les persécuteurs et pour invoquer la pitié envers leurs victimes».
En 1963 - et alors seulement - une pièce de théâtre médiocre ayant pour titre Der Stellvertreter (le Vicaire) est publiée par un ancien membre des Jeunesses hitlériennes, Rolph Hochhuth, qui y présente Pie XII sous les traits d'un monstre d'indifférence, n'ayant pas agi ni parlé comme il aurait dû.
Le 13 décembre 1963 est publiée dans le journal français Le Monde une déclaration de Pinchas E. Lapide, ancien consul d'Israël à Milan. Celui-ci y affirme ne pas comprendre le pourquoi de cet acharnement contre le défunt Pie XII qui « ne disposait ni de divisions blindées, ni de flotte aérienne, alors que Staline, Roosevelt et Churchill, qui en commandaient, n'ont jamais voulu s'en servir pour désorganiser le réseau ferroviaire qui menait aux chambres à gaz ».
Il précise que « le pape personnellement, le Saint-Siège, les nonces et toute l'Église catholique ont sauvé de 150.000 à 400.000 Juifs d'une mort certaine ».
Le même Juif éminent fait paraître à Paris en 1967 un livre, Rome et les Juifs, où il publie le résultat d'enquêtes approfondies menées dans toute l'Europe, dans les archives de Jérusalem et auprès des Juifs survivants. Il aboutit au chiffre de 860.000 Juifs sauvés grâce au pape Pie XII.
(...) Paul VI ne s'y trompait pas. Alors qu'il était encore connu comme monsignore Gianbattista Montini, il avait, au Vatican, pu côtoyer Pie XII pendant la guerre. Aussi prendra-t-il soin, en 1964, d'exprimer ce qu'il pensait des attaques lancées et, d'une manière générale, des procédés utilisés :
« Vous le savez, on a voulu jeter des soupçons et même des accusations contre la mémoire de ce grand pontife [Pie XII]. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de l'affirmer en ce jour et en ce lieu : rien de plus injuste que cette atteinte à une si vénérable mémoire. » (Discours prononcé en Terre Sainte le 5 janvier 1964 devant un auditoire juif).
« L'information doit, avant tout, répondre à la vérité. Nul n'a donc le droit de propager sciemment des informations erronées ou présentées sous une lumière qui en dénature la portée. Nul n'a le droit non plus de choisir de façon arbitraire ses informations en ne diffusant que ce qui va dans le sens de ses opinions et en faisant silence sur le reste : on peut pécher contre la vérité aussi bien par des omissions calculées que par des affirmations inexactes. » (Allocution sur la liberté de l'information, prononcée le 17 avril 1964 devant les participants au séminaire européen des Nations-Unies sur le sujet.)
Un remarquable effort d'objectivité de la part des milieux juifs se dénote à la même époque. En Israël, la pièce de Rolph Hochhuth est interdite. Les Juifs comprennent pourquoi Pie XII, tout en agissant et parlant en leur faveur pendant la seconde guerre mondiale, a dû modérer ses expressions et la fréquence de ses interventions publiques.
Ainsi, une Juive fait observer dans un bulletin d'éducation que « la véritable raison du silence relatif de Pie XII n'était pas la crainte d'aller dans un camp de concentration, mais celle d'aggraver le cas de ceux qui s'y trouvaient ». (Edith Mutz, Les Juifs et le Vatican sous Pie XII, in Maïmonide, bulletin des élèves de l'Athénée israélite de Bruxelles, n° 2 de juin 1963).
Les faits qu'elle rappelle dans son article montrent que Pie XII compensait par des interventions plus discrètes l'éclat de déclarations que d'aucuns auraient sans doute voulu entendre chaque semaine ou même chaque jour à Radio Vatican, mais qui auraient été moins efficaces en raison de la mentalité spéciale des Nazis.
(...) Voici un exemple parmi tant d'autres faits significatifs que les media cachent habituellement au public : en 1942, le pape Pie XII fait savoir officiellement au maréchal Pétain par son nonce en France, Mgr Valerio Valeri, que le Saint-Siège désapprouve les mesures prises par Vichy à l'encontre des Juifs.
La polémique actuelle n'est donc qu'une énième tentative de s'en prendre à la figure du pape et à l'Eglise catholique.
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