Bernard Antony, président de Chrétienté-Solidarité, communique :
A l’attention particulière des évêques européens, des responsables religieux et des hommes politiques.
Les finalités concrètes d’un véritable dialogue islamo-chrétien non frelaté : propositions d’Etats Généraux au Liban, à Rome, à La Mecque , à Jérusalem.
Préambule :
D’une part, la votation suisse contre la construction de minarets, de l’autre, le rapprochement accentué de deux grandes puissances islamistes, la Turquie et l’Iran, ont marqué l’actualité de la question sans cesse plus pesante sur la vie du monde des rapports entre les pays de régime islamique et les autres, en Europe comme en Asie.
Celle du statut des communautés non musulmanes, principalement chrétiennes, en pays d’islam et celle de la place des communautés musulmanes en pays non islamisés se posent aussi désormais dans la plupart des pays.
Dans aucun pays les communautés musulmanes ne subissent des violences du fait des chrétiens et, encore moins, des persécutions de la part des Etats, à l’exception peut-être des Ouigours en Chine.
Très différente est souvent la situation des chrétiens subsistant dans l’environnement islamique ou des peuples confrontés à des guérillas islamistes de conquête de régions comme aux Philippines et en Thaïlande.
Les communautés chrétiennes sont ainsi non seulement soumises à la dhimmitude mais trop souvent également à des violences et massacres, notamment en Irak, en Egypte, au Soudan, au Nigeria, en Indonésie, en Malaisie, au Pakistan. Toute liberté d’expression et de culte leur est interdite en Arabie Saoudite. Il ne reste en Turquie qu’une infime minorité résiduelle de chrétiens arméniens, latins chaldéens ou grecs de l’ordre de 1% de la population subsistant après les massacres du 19ème siècle et avant le grand génocide de 1915. Mais on sait aussi combien cette infime population est toujours menacée et sa vie marquée par des enlèvements et assassinats de religieux.
En Iran, les rares chrétiens, d’origine arménienne principalement, mais aussi les derniers zoroastriens subissent la dhimmitude. Mais nombre de musulmans iraniens ont secrètement adhéré à la foi du Christ. On le sait en constatant le phénomène fréquent de personnes qui, en ayant les moyens, choisissent d’être enterrés à l’étranger avec des obsèques chrétiennes.
En Afrique du Nord, les derniers et fort rares lieux de culte catholiques ou protestants non clandestins sont réservés aux étrangers. Toute conversion est radicalement réprimée… En Algérie, la menace des assassinats islamistes se conjugue ave l’impitoyable répression d’Etat contre les convertis, notamment en Kabylie.
Avec certes des phases de stabilité ou de recul selon les résistances rencontrées et les péripéties de l’histoire, l’islam, dont le mot signifie « soumission », a toujours été porté par un instinct, par une volonté de soumettre le monde par des modes de conquête alternant les formes violentes du jihad, la dhimmitude pour les « gens du livre » non convertis et l’élimination des autres.
Aujourd’hui, l’avancée islamique, comme on le voit, n’exclue nullement ces formes mais se développe prioritairement par l’avancée démographique et les phénomènes de substitution de population comme au Kosovo ou déjà comme dans certaines régions de France, d’Espagne, de Belgique, de Hollande, de Grèce…
Elle se développe aussi sur la conversion de personnes fragiles qui basculent de la permissivité et de la décadence des mœurs de notre société vers l’apparent rigorisme islamique et ses contraintes sociologiques de mœurs selon les exigences de l’oumma.
Face à cette réalité, globalement, en Occident, l’Eglise catholique de notre temps par ses épiscopats et groupes d’influence dominants, a surtout manifesté du désarroi, de la frilosité, et même quelquefois comme une étrange fascination devant la force conquérante. On retrouve là des phénomènes analogues à ceux de la collaboration avec le communisme que, à la fin de sa vie, le cardinal Decourtray lui-même reconnaissait avoir été « le fait d’une partie très importante de l’Eglise catholique ». On y retrouve ainsi un semblable mélange d’ignorance des uns et de complaisance des autres.
Ainsi les fiches programmatiques élaborées en France par des « éducateurs » et « enseignants » de l’Enseignement Catholique avec le concours du Secrétariat pour les relations avec l’Islam sont-elles tragiquement révélatrices ou de cette ignorance ou de cette complaisance. Car elles sont hélas lourdes, par omission, incompréhensions, interprétations ou affirmations inexactes, d’une contre-vérité globale que l’on voudrait espérer involontaire de la part de rédacteurs plus manipulés que perfides. On y glisse, avec des mots choisis sur tout ce qui sépare la foi du Coran de celle de l’Evangile, le Dieu trinitaire et personnel des chrétiens et le Dieu « un » et inaccessible des musulmans. On y omet radicalement de dire que, selon le Coran, le péché des péchés, le seul qu’Allah ne pardonne pas, est la croyance au Dieu des chrétiens : « Non Dieu ne pardonne pas que lui soit donné des associés ; en deçà, Il pardonne à qui Il veut » (cor. 4 :116). Ce qui explique que dans le manuel d’initiation à l’Islam de la pourtant très modérée Mosquée de Paris, on cite évidemment ce verset capital et l’on enseigne donc que « croyants et incroyants ne peuvent pas être égaux : les uns vont au Paradis et les autres en Enfer ». On entend là par « incroyants », tous les non-musulmans, croyants ou athées.
On expose encore dans ces fiches, sans aucune restriction, la version islamo-politique de l’histoire : aucune allusion aux guerres de conquête islamique, à leurs déferlements, à leurs massacres, à leurs génocides de l’Inde au Maghreb, et donc aux causes des différentes croisades. Aucune allusion à la mort de Constantinople, à l’extermination de sa population, à l’engloutissement de sa culture, aux têtes des bébés fichées sur les chandeliers.
On n’y parle que de l’humiliation subie avec la colonisation par les pays « arabo-musulmans ». Dans le parfait oubli de ce qu’ils aspiraient surtout à se libérer de la colonisation turque…et quelle colonisation ! Et pas un mot d’un des plus atroces génocides de l’histoire moderne, avec des sommets d’indépassable cruauté : le génocide des Arméniens et aussi des Chaldéens et des grecs de Smyrne.
Ceci est tout simplement honteux, révélateur d’un grand oubli ou plutôt d’un grand mépris pour les souffrances indicibles des chrétiens d’Orient si souvent martyrisés, exterminés, et si volontairement oubliés selon le plus parfait négationnisme mémoricide.
Voilà pourquoi il serait temps enfin de poser les finalités et les conditions, et sans doute les limites, de ce que l’on appelle le dialogue islamo-chrétien : selon l’exigence même de la réalité islamique qui est simultanément religieuse, politique, juridique, morale.
I Dialogue religieux
1) Théologique.
Les meilleurs connaisseurs et pratiquants catholiques d’un dialogue avec les musulmans tel le père Antoine Moussali ou le père mansour Labaky se rendent à l’évidence d’un infranchissable fossé théologique entre islam et christianisme.
Les musulmans, affirment-ils, même les plus modérés, ne modifieront jamais le message coranique de condamnation absolue par leur Dieu des croyants en un Dieu de Sainte Trinité. Soit !
Sont-ils prêts du moins à admettre en ce monde, sinon dans l’autre, une égalité de respect entre croyants ? Pour le moins, cela serait à obtenir.
2) Sur les libertés.
Le dialogue devra porter sur les libertés religieuses réciproques dans les pays islamiques et non islamiques :
- libertés de culte et de constructions d’édifices destinés à cette fin : conditions et exigences diverses.
- libertés de propagation des fois respectives par les publications, les médias audio-visuels, la presse et la librairie : conditions et exigences diverses.
- liberté réciproque de conversion dans la sécurité et le respect des biens et des personnes.
- libertés d’enseignement, de constructions d’écoles et collèges, de choix des maîtres, des programmes, des livres et autres supports d’enseignement.
II Dialogue juridique et moral
1) Respect de la vie innocente et de la dignité humaine.
Chrétiens et musulmans doivent pouvoir s’accorder sur la défense de la vie, le refus des manipulations de l’embryon, les expériences de clonage et de productions monstrueuses.
2) Respect des personnes.
Les châtiments des criminels et des voleurs et autres contrevenants prévus par la charia ne doivent pas être appliqués aux non-musulmans. Mais des châtiments barbares doivent-ils s’appliquer aux musulmans eux-mêmes alors que la charia relève de coutumes et d’interprétations diverses ?
3) Egalité homme-femme.
L’égalité de dignité de l’homme et de la femme doit être affirmé mais il doit en découler une égalité devant la loi, de droit et de fait. En particulier la dissimulation totale du visage de la femme, son enfermement dans les voiles de la burqa ne constituent-ils pas un déni de l’identité personnelle, une interdiction obligatoire d’appartenance sociale ? La complémentarité dans le mariage de la femme et de l’homme, leur appartenance réciproque, doivent-elles signifier confiscation absolue de l’une par l’autre, l’interdiction totale de ce qui distingue la personne humaine d’une ténébreuse forme? Cela est bien différent du retrait volontaire dans la prière, sans jamais dissimuler leurs traits, des religieuses catholiques qui ont choisi de se consacrer à un Dieu qui les laisse toujours libres.
III Dialogue politique
Toutes les autorités institutionnelles musulmanes et chrétiennes doivent condamner explicitement, solennellement, les guerres de conquête et de soumission religieuses ; et plus encore l’abomination terroriste qui tue, qui blesse, qui apporte sans cesse son flot de carnage massacrant hommes, femmes, enfants ou les condamnant à des souffrances sans fin.
Mise en place expérimentale et concrétisation du dialogue : la possibilité libanaise.
Petit par sa population et sa superficie mais riche de son immense héritage civilisationnel à dimension universelle et de la présence dans sa population de quasiment toutes les traditions et rites chrétiens et musulmans, le Liban pourrait être le lieu de première mise en place du dialogue.
Les patriarches chrétiens y sont très proches de leurs autorités suprêmes de Rome ou d’Antioche, d’Egypte ou d’Arménie. Le grand Mufti de la République et le premier ministre Saad Hariri sont très liés aux autorités royales et religieuses saoudiennes comme l’est le grand conseil chiite à la hiérarchie des ayatollahs iraniens. Naturellement on pourrait associer également à ces travaux des représentants du judaïsme.
L’incitation à ce dialogue structuré et aux buts enfin définis pourrait bien sûr venir d’une incitation de Rome ou de la proposition d’un épiscopat soucieux de vérité et de clarté dans les rapports inter-religieux.
A partir de la première réalisation au Liban celui-ci pourrait déboucher sur trois assemblées de travail dont la dernière aurait pour vocation de proclamer une décisive charte de respect, de réciprocité et de bonnes relations. La première pourrait se tenir à Rome, la deuxième à La Mecque ou à Médine, villes s’ouvrant enfin à tous, la troisième à Jérusalem dont il faudrait doter le cœur historique et religieux d’un statut international tripartite de ville de la paix.
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