Les récriminations contre la démocratie semi-directe de Suisse ne cessent pas. Après le désormais fameux titre de Libération, "La Suisse est-elle trop démocratique ?", voici que l'on ressort des auteurs obscurs pour justifier ce qui était injustifiable il y a 1 an. Ouest-France ose, et pose la question : "Le suffrage universel contre la démocratie ?". Il fallait le faire. Le suffrage universel était jusque là l'essence même de la démocratie, il est devenu maintenant un danger. Un argument, que je présentais souvent non sans passer pour un réactionnaire fascisant, devient courant : "Après tout, Hitler a été élu au suffrage universel..." Même Daniel Cohn-Bendit déclare se méfier ouvertement de la majorité. Finalement,et ce n'est pas plus mal, la dictature du nombre commence à s'effondrer. Il faut lire l'article de Ouest-France :
La votation suisse rappelle, tout d'abord, les ambiguïtés de cette
formule à la mode qu'est « la démocratie participative ». On ne conçoit
pas un régime démocratique qui ne favorise pas l'implication de ses
citoyens dans la vie politique. Mais il s'agit aussi d'une notion
équivoque. Le suffrage universel reste une procédure qui ne garantit
jamais, en elle-même, un « juste » résultat. Après tout, en Allemagne,
en 1933, c'est un peuple très « participatif » qui a porté Hitler au
pouvoir. Et c'est vrai qu'en Suisse, le référendum d'initiative
populaire a souvent été utilisé pour limiter l'accès des femmes aux
responsabilités politiques et restreindre l'immigration. Il est
également significatif qu'en France, les deux forces politiques les
plus acquises à cette procédure soient... le Front national et le
Nouveau parti anticapitaliste d'Olivier Besancenot ! Quel meilleur
moyen, en effet, pour contourner les partis dominants et retrouver une
légitimité populaire qu'on n'a plus dans les élections ordinaires !
Il faut sauver la démocratie oligarchique, donc sacrifions le suffrage universel. L'article accorde évidemment ses faveurs à la démocratie représentative : tous les pouvoirs aux parlements. Pourtant la conclusion n'est pas exempte de logique :
Il y a, cependant, un point qui doit être affirmé avec force. À partir du moment où l'on voit, dans le référendum, l'expression la plus pure du peuple souverain, on doit en accepter les résultats, quels qu'ils soient. On ne peut, à la fois, saluer la clairvoyance du peuple français, lorsqu'il repousse le projet de Constitution européenne, et mépriser le peuple suisse, lorsqu'il s'oppose aux minarets. Si, à chaque fois que le verdict déplaît, on oblige le « mauvais peuple » à retourner aux urnes, comme on l'a fait pour l'Irlande, autant s'en tenir à une paisible démocratie représentative.
La démocratie vacille. Quoi qu'on en dise, le suffrage universel est l'essence de la démocratie moderne. "Aller au peuple", telle était la devise des vrais démocrates. Maintenant, ils se rétractent. Or s'ils commencent à contester les choix du peuple, ils commencent de facto à remettre en question la démocratie. L'oligarchie ne se cache plus. Ou à peine. Le déni de démocratie est flagrant ; on refait voter l'Irlande, on refuse le vote suisse ; on ne reconnait pas le référendum de 2005. Peut-être que les citoyens qui prennent la peine de se déplacer pour voter finiront par comprendre qu'on se moque d'eux...
Didyme
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