"L'anglaise et le duc" de Eric Rohmer, avec Lucy Russell, Jean-Claude Dreyfus, Alain Libolt
Synopsis: Grace Elliott, aristocrate anglaise installée à Paris, est une amie intime du Duc d'Orléans, cousin du roi Louis XVI. Elle assiste, inquiète, aux débuts de la Révolution française et commence à se distancier du duc au fur et à mesure des événements et des engagements personnels de ce dernier en faveur de la terreur révolutionnaire grandissante. Bientôt, la situation devient dramatique. Après avoir voté la mort de son cousin le roi, le duc est lui-même sur la selette et Grace est elle aussi menacée.
Critique: Voici un film bien particulier d'Eric Rohmer qui, du reste, filme rarement de manière ordinaire. En ce qui concerne la forme, les décords extérieurs sont tous constitués de tableaux peints à l'huile par Jean-Baptiste Marot. Les comédiens et figurants ont été rajoutés sur ces fonds par un procédé numérique. Un parti pris étonnant, surtout à l'époque de "Star Wars" ou "Taxis", mais qui convient parfaitement à l'ambiance feutrée et austère du film. Sur le fond, il s'agit d'un des rares films critiques sur la révolution françaises et le seul qui adopte le point de vue d'aristocrates royaliste, de surcroît étranger dans le cas de Grace Elliott. Un personnage émouvant, spontané et idéaliste, incarnée avec une grande conviction par l'anglaise Lucy Russell (vue comme second rôle dans "Tristan+Isolde" de Kevin Reynolds, "Batman Begins" de Christopher Nolan ou "L'immaginarium du docteur Parnassus" de Terry Gilliam). Cette personnalité produit d'ailleurs un contraste saisissant avec l'univers sale, froid, vulgaire et cruel de la révolution française, présentée ici sous son pire jour, celui d'un régime totalitaire qui broit sans vergogne les destins individuels y compris ceux qui l'ont bien servi. Parmi ceux-là, le Duc d'Orléans, Philippe Egalité, cousin de Louis XVI, acquis aux idées de la révolution. Ce dernier est incarné à merveille par Jean-Claude Dreyfus, ("Delicatessen" de Marc Caro et Jean-Pierre Jeunet, "Deux frères" de Jean-Jacques Annaud, "Un long dimanche de fiançaille" de Jean-Pierre Jeunet) qui se montre aussi chaleureux et suave que retors et machiavélique. Un homme pour qui balance le coeur de Grace autant que celui du spectateur, au fur et à mesure que sont révèlées les compromissions auxquelles il s'est livré mais qui sont contrebalancées par l'amitié que lui porte Grace et, ultérieurement, le sort funeste qui sera le sien. Deux personnages fort différents l'un de l'autre bien qu'issus du même milieu et qui se complètent d'ailleurs à merveille. Le film conserve un aspect très théâtral du fait de la quasi-unité de lieu (il n'y a pas plus de cinq lieux d'actions différents en tout) et de l'omniprésence des scènes avec un nombre réduit de personnages. La sobriété et la retenu caractérisent l'oeuvre qui aborde un passage dramatique de notre histoire. Il est seulement dommage que le film laisse entendre que la révolution française fut avant tout hostile à l'aristocratie et au roi (alors qu'elle l'était en fait d'avantage à l'Eglise catholique) et qu'elle fut menée par des gens du peuple (en fait, par la bourgeoisie des villes). Néanmoins, une critique si forte et bien menée de cette dramatique période et une telle originalité de ton ne peuvent être que pleinement appréciés et illustrent la permanence du talent du défunt Eric Rohmer à la fin de sa carrière (il s'agissait là de son antépénultième film). N'hésitez donc pas à (re)voir cette oeuvre pour apprècier le vrai cinéma historique !
Raspail
Le duc d'Orléans était le COUSIN de Louis XVI et non son frère. Les frères du Roi étaient les futurs Louis XVIII et Charles X. L'on s'étonne de voir l'erreur subsister dans la critique...
Rédigé par : Henri | 06 juin 2010 à 23h46
Le duc d'Orléans n'est pas le frère de Louis XVI, mais il descend du frère cadet de Louis XIV, Monsieur, duc d'Orléans.
Il est donc un lointain, mais très riche(l'homme le plus riche de France à cettte époque) cousin de Louis XVI
Rédigé par : Guillaume de Chabot | 07 juin 2010 à 00h04
Puisqu'on parle de révolution, si je puis me permettre :
http://fromageplus.wordpress.com/2010/06/04/la-veritable-revolution-est-un-ideal-bourgeois-1/
Rédigé par : fromageplus | 07 juin 2010 à 10h26