"Nous sommes le 23 octobre 2009 dans le XVIIIe arrondissement de Paris, à l’angle de la rue Léon et de la rue Myrha, dont l’intégralité de la chaussée est occupée par des musulmans en prière. Je me tiens, immobile, derrière les barrières de sécurité bloquant l’accès. J’observe sans prendre de notes, sans, dans un premier temps, manifester le désir de photographier ce flot serré d’hommes prosternés.
« Mademoiselle, circulez s’il vous plaît. Vous n’avez pas à être là ». C’est un individu se présentant comme l’un des responsables de la mosquée de la rue Myrha qui m’interpelle ainsi. Alors je me présente comme journaliste désireuse de prendre un cliché. Une poignée de fidèles le rejoignent, m’encerclent et se font menaçants, me répétant que je dois partir, « laisser les gens prier en paix ».
Inutile de rappeler que la rue est un espace public – le mien autant que le leur -, que j’ai le droit de m’y trouver comme de photographier ce qui s’y déroule. Inutile également de menacer d’aller au commissariat : « Allez-y! Dites-leur que vous venez de la part d’un responsable de la mosquée, ils vous diront la même chose que moi. » J’en doute. Les policiers ne sont jamais loin lors de la prière du vendredi. Je croise l’un de leurs véhicules à hauteur de la rue Doudeauville. A l’intérieur, trois agents de la Police nationale. Je leur fais part de mon problème : on m’interdit de circuler et de prendre des photos rue Myrha. Réponse des fonctionnaires de l’État : « Normal, c’est la prière du vendredi, la grande prière. En plus, vous êtes une femme. »
Si je ne suis pas contente, je peux déposer une main courante. Redescendant la rue des Poissonniers, jusqu’au boulevard Barbès et à l’angle de la rue de la Goutte d’Or, je me sens étrangement mal. Silence total. Mes pas seuls résonnent sur la chaussée tandis que des croyants sont encore rassemblés par centaines sur les trottoirs. Là aussi, la rue est interdite aux véhicules par une barrière. Des religieux portent un brassard de sécurité pour faire circuler les passants. La voix de l’imam se fait entendre par le biais d’un haut-parleur sur la façade de la mosquée. Les piétons doivent marcher sur la voie de circulation, et le boulevard Barbès souffre d’un trafic important."
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