Extrait du compte-rendu de la séance du 7 juillet à l'Assemblée nationale :
M. le président. La parole est à M. Jacques Myard.
M. Jacques Myard. « Il n’a jamais existé dans nos sociétés d’habit du visage ». C’est par cette simple phrase, qui dit tout, qu’Elisabeth Badinter rappelait une évidence, mais aussi un principe, lors de son audition devant la mission sur le voile intégral.
M. Éric Raoult. Très bien !
M. Jacques Myard. L’homme est une singulière espèce – et j’embrasse toutes les femmes.
La nature donne à chacun un visage particulier qui le différencie de son voisin. Autant de visages, autant de personnes, autant de dignités. Masquer son visage, c’est disparaître, ne plus exister pour l’autre. C’est la négation de la personne.
Le voile intégral est-il un simple habit ? S’agit-il d’une mode passagère, d’un réflexe identitaire sans lendemain qui s’estompera avec le temps ? Le voile intégral va bien au-delà. Il est l’expression d’un réel projet politique d’une société fondée sur une conception rétrograde, qui rejette tout à la fois l’égalité des sexes, la mixité de la société et la laïcité, au nom d’une vision politique d’un intégrisme religieux. Le voile intégral porte la volonté politique d’imposer une loi religieuse personnelle à la République consacrée par le suffrage universel. Il constitue le premier pas certain d’une action programmée par ses prosélytes, qui mène au communautarisme et au rejet de l’autre. C’est la négation du vouloir vivre ensemble, la consécration de l’intolérance institutionnalisée.
Trop de signes montent vers nous pour que nous ne prenions pas au sérieux ces actions, véritables dérives sectaires qui sous-tendent cette pratique : refus de la part d’une femme d’être examinée par un médecin homme, refus de la mixité dans les piscines, refus d’être interrogée par un professeur homme, refus de prendre son repas à côté d’un voisin qui mange du porc, refus de prendre sa douche dans un vestiaire avec des non-croyants. Admettre par lâcheté ces attitudes pour ne pas faire de vagues et se taire, c’est, à coup sûr, alimenter de nouvelles revendications, c’est donner raison à ces intégristes qui pratiquent l’intimidation et veulent imposer leurs conceptions rétrogrades.
Le projet de loi que vous présentez, madame la garde des sceaux, porte un coup d’arrêt définitif à une pratique indigne. Certains, malheureusement, frappés de pusillanimité, mettent en avant des arguties juridiques pour ne rien faire par crainte d’une censure du Conseil constitutionnel ou de la Cour européenne des droits de l’homme.
L’honneur et le devoir du politique, c’est de prendre ses responsabilités.
M. Bernard Deflesselles et Mme Valérie Rosso-Debord. Très juste !
M. Jacques Myard. Peu importent les interprétations discordantes de nature à paralyser votre action.
Cela me rappelle un texte de Kafka. Un homme libre doit franchir une porte pour entrer dans la ville. Un homme fort lui barre la route armé d’un gourdin. L’homme hésite. « Si tu passes, lui dit l’homme au gourdin, je te combattrai et, derrière moi, il y a une autre muraille et une autre porte avec un homme encore plus fort que moi, armé d’un gourdin, qui te barrera aussi la route ». Alors, l’homme libre attend et finit par mourir mais, juste avant sa mort, le gardien lui dit : « Cette porte était faite pour toi. Tu n’as pas osé la franchir. Tant pis pour toi ».
Pour moi, il ne fait aucun doute que nous devons franchir cette porte au nom de la République. Qui peut imaginer qu’une loi qui réaffirme l’essence même des droits de l’homme et du citoyen puisse craindre les foudres des hommes dont la mission est de préserver et promouvoir ces droits mêmes ? Nombre de juristes sont parmi les premiers à estimer qu’il n’y a aucun danger.
Soyons sérieux : la pusillanimité doublée de procrastination n’est pas une méthode de gouvernement ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe UMP.) Ne nous trompons pas. Cette loi n’est pas une fin en soi. Elle constitue, à mes yeux, une étape dans la nécessité d’enseigner et de transmettre les principes de la République. C’est là une chose que nous avons eu trop tendance à prendre pour une évidence, un acquis non discutable.
N’oublions pas, comme dit Tocqueville, que « chaque génération est un peuple nouveau ». Il nous revient de lui apprendre ce que signifie la laïcité, qui respecte tous les cultes mais organise le vouloir vivre ensemble dans le respect de l’autre, sans exclusive et à visage découvert.
Voilà pourquoi il me semble utile d’instituer une journée de la laïcité, le 9 décembre – c’est le sens de mon amendement –, afin de promouvoir ce principe fondateur de la paix civile. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)
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