L’immigration : un droit naturel...
Accueillir ceux qui sont contraints de fuir leur pays
L’Eglise reconnaît l’immigration comme un droit naturel du fait même de la destination universelle des biens [1]: "Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à l’usage de tous les hommes et de tous les peuples" [2].
On ne peut donc refuser à des personnes vivant dans des conditions particulièrement éprouvantes d’émigrer : "pour eux doivent être libres les voies de l’émigration, le droit naturel l’exige" [3]. En conséquence, chacun est tenu de respecter la dignité des personnes concernées : tout immigré doit trouver dans le pays qui l’accueille les conditions d’une vie décente.
Au premier rang de ces conditions minimales : une vie familiale normale. Doivent être respectés "la dignité et les droits de la personne humaine et de la famille, pour que celle-ci demeure réunie, qu’elle puisse créer un nouveau chez soi et y trouver le nécessaire, afin de vivre contente et agréable à Dieu", explique Pie XII [4]. Alors que la question du regroupement familial se posait de manière aiguë en France dans les années 80, l’exhortation apostolique "Familiaris Consortio" confirme en 1981 "le droit d’émigrer en tant que famille pour chercher de meilleures conditions de vie".
N’émigrer qu’en dernier recours
L’Eglise ne considère cependant pas que les phénomènes migratoires constituent une norme d’organisation du monde et des cités. Pour un individu, émigrer est un moindre mal : personne "ne consentirait à échanger contre une région étrangère sa patrie et sa terre natale, s’il y trouvait les moyens de mener une vie plus tolérable" [5]. Jean-Paul II utilise l’expression de "mal nécessaire" dans "Laborem Exercens" (1981) : "l’émigration est sous certains aspects un mal", qui peut être "en des circonstances déterminées ce que l’on appelle un mal nécessaire".
En 1985, le Saint-Père rappelle, après avoir énuméré les méfaits du déracinement, "qu’on ne peut donc pas, a priori, considérer toute émigration comme un fait positif, à rechercher ou à promouvoir" [6].
... mais subordonné au bien commun de la nation
L’immigration, droit naturel, n’est pas en effet un droit absolu. La position de l’Eglise sur l’attitude des pays d’accueil face à l’immigration est pleine de nuances. On la trouve résumée dans ces propos de Pie XII : "la domination de chaque nation, bien qu’elle doive être respectée, ne peut être exagérée au point que, si un endroit quelconque de la terre permet de faire vivre un grand nombre d’hommes, on n’en interdira, pour des motifs insuffisants et pour des causes non justifiées, l’accès à des étrangers nécessiteux et honnêtes, sauf s’il existe des motifs d’utilité publique, à peser avec le plus grand scrupule" [7].
Ce propos affirme le droit de l’immigration, mais il en pose aussi les limites. Ouvrir sa porte à l’étranger suppose, comme on l’a vu, de bien l’accueillir. L’Eglise demande aux pays d’accueil de ne pas se limiter à donner des papiers aux immigrants mais de prendre toutes les mesures nécessaires à leur intégration complète. Elle n’exige donc pas des pays susceptibles d’attirer des migrants de les accueillir sans discernement.
C’est, de toute façon, une conception de l’Etat gardien du bien commun qui guide l’Eglise dans sa réflexion sur l’immigration. Une immigration excessive, mal contrôlée et mal accompagnée, est de nature à mettre en péril l’ordre public et la prospérité, les deux piliers du bien commun. Le cardinal Etchegaray, alors président de la Commission "Justice et paix" explique en février 1989 dans un document sur "L’Eglise face au racisme" : "Il appartient aux pouvoirs publics, qui ont la charge du bien commun, de déterminer la proportion de réfugiés ou d’immigrés que leur pays peut accueillir".
A diffuser !
Thibaud
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