Chronique culturelle du 20 juin 2009 (3)
Lente ouverture de tout l'orchestre post-romantique : un thème tout d'abord esquissé, puis effacé,qui revient, tente de voir le jour ; enfin il apparaît sous le contre-point des trompettes, tranquille et majestueux, ainsi qu'une fleur s'ébauche dans son bourgeon avant d'en sortir, et dont la floraison elle même est une beauté. Le premier mouvement de la symphonie "Titan" de Gustav Mahler ne peut qu'évoquer l'éveil de la nature au printemps, l'épanouissement des feuilles d'arbres et la joie de retrouver l'air pur après plusieurs mois à attendre le Soleil. Cette ouverture, c'est toute une forêt en musique : on perçoit l'eau qui coule, fraîche et vive, quand soudain tout s'arrête comme pour contempler la sortie de la plus belle fleur de la forêt ; celle-ci se pare , se fait attendre, mais lorsqu'enfin elle paraît la vie ne reprend que plus active en subtile contrepoint de divers thèmes simultanés, certains annonçant déjà les mouvements suivant.
Lorsque le deuxième arrive, on dénote le parfait équilibre entre cuivres et cordes, qui ne peut être obtenu que par le grand chef d'orchestre qu'était Mahler. En effet celui-ci est l'un des rares qui ait pu concilier de façon heureuse direction et composition, la composition recquiérant ordinairement le silence et l'isolation afin de ne pas être influencé par le travail des autres. Gustav Mahler eut le don d'être l'un des chefs d'orchestres les plus accomplis de l'histoire et un grand compositeur, bien qu'on lui reprochât souvent son éclectisme.
Le deuxième mouvement, donc, est un scherzo dominé par les cordes mais fortement accentué par cuivres et percussions ici et là. Il y a utilisation massive du contrepoint, signe de la réelle maîtrise de cet exercice difficile par le compositeur. Après une conclusion énergique, arrive le troisième mouvement.
Celui-ci, pour le moins étonnant, démarre sur une marche funèbre sur le thème de Frère Jacques énoncé à la contrebasse. Mahler est accoutumé à tourner en dérision des thèmes populaires, ou plutôt à les rendre particulièrement inquiétants. Ceci serait rattaché à un épisode malheureux de sons enfance. Autre point notable du mouvement, le trio do cors bien plus joyeux, insouciant voire joueur aux alentours du milieu. Une autre mise en dérision du caractère dramatique du début.
Le troisième mouvement s'achève sur une très discrète pulsation des timbales, avant que l'orchestre n'explose littéralement à nos oreilles pour le quatrième et dernier mouvement de cette symphonie : vingt minutes (la durée de certaines symphonies de Mozart) dominées par une certaine frénésie de tout l'orchestre dans des nuances allant de Forte (fort) à Fortississimo (très très fort), où les cuivres possèdent souvent le thème principal, devant des arpèges des violons. Deux à trois thème différents se mêlent souvent, montrant une fois de plus l'excellence de Mahler dans ce genre d'exercice. Se glissent au milieu de cette tempête deux îlots de calme, passages lyriques où les violons imposent leur voix douce et romantique. Le temps s'élonge alors ; chaque note étirée, la tension monte. On retrouve quelque chose de l'atmosphère du premier mouvement, mais soudain la nuance monte, le tempo aussi. L'orchestre gronde à nouveau, pour ne se taire que sur une conclusion à l'échelle de la symphonie.
Dernier grand représentant du romantisme allemand, Mahler nous livre ici sa première oeuvre majeure (il ne composa rien d'autre que des symphonies et des lieder), grand bastion du romantisme contre les nouvelles écoles de musique bâtit grâce à l'étude approfondie de nombreuses partitions lors du travail de chef d'orchestre. On a vu des compositeurs qui créent une musique sans antécédent ni successeur ; Mahler fait au contraire partie de ceux qui reprennent le meilleur de la musque passée en le réorganisant. De même que Bach fut l'accomplissement de toute la musque baroque, on peut dire que Mahler fut l'accomplissement de la symphonie romantique allemande.
Vincent
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