Introduction
Je vais donc me faire un plaisir d'expliquer pourquoi ma démarche, qui est celle d'une catholique pro-vie et militante de parents eux-mêmes catholiques, pros-vie, militants, n'est ni inactive ou inefficace, ni inspirée par la "lâcheté", la "mauvaise foi", le manque de volonté, le désir d'obtenir une "pitoyable immunité pour la conscience", et n'est certainement pas une "méthode d'esclave".
La problématique est simple : nous allons ici étudier les conditions par lesquelles le combat pour la vie peut vaincre sans se trahir. Pour vaincre, il faut utiliser des moyens appropriés à la victoire. Et pour ne pas se trahir, il faut que ces moyens restent vertueux. Nous sommes bien sûr en droit de nous demander si les conditions sont réunies pour permettre de concilier moyens de lutte et vertus – ici les vertus catholiques.
Cette démonstration développera plus spécialement deux points essentiels à retenir, pour faire du combat pour la vie un combat vertueux : la nécessité d'annoncer la vérité d'une part, dans une optique de libération plus que de neutralisation, et d'autre part l'absolue obligation d'associer la Charité à toutes nos tentatives, pour éviter qu'elles ne soient vaines.
I- La voie de la Vérité
1) Ce que nous apprend le contexte
Ces éléments de contexte nous informent dès l'abord que cette guerre est en premier lieu une guerre spirituelle, une guerre psychologique, qui se joue dans les mentalités.
Ainsi, comment peut-on combattre l'eugénisme quand il est le fait de n'importe qui, à son niveau, sans même que chaque individu en soit conscient ? Comment combattre le meurtre quand pour la majorité, "ce" n'est pas un être vivant ? C'est la société toute entière qui est coupable, ainsi que le démontre la multiplicité des responsables d'un avortement : il y a le père, la mère, et parfois l'ensemble de la famille. Il y a les médecins et le personnel soignant, qui opèrent ou qui démissionnent face à la loi civile, en acceptant la transformation légalisée de la médecine qui soigne et sauve en une industrie de mort. Les philosophes, les médias, et bien sûr les hommes de loi, qui sont aussi à l'origine de cette transformation.
2) Neutraliser la société ?
Ce n'est donc pas un homme (ou dix) qu'il faut "neutraliser", pour reprendre l'expression de notre commentateur, mais la société tout entière qu'il faut transformer. Prenons un exemple : aux Etats-Unis, des pro-life ont lutté pacifiquement pendant des dizaines d'années, avant d'obtenir maintenant une majorité dans certains Etats, ce qui permet de voter des lois qui protègent la vie. Les petits soldats qui tirent sur les avortueurs, en neutralisant un criminel, n'ont obtenu pendant ce temps que vengeance et prison. Quand on en empêche un d'exercer son "art" par une méthode aussi brutale, il en revient dix et personne n'est sauvé, parce que l'opinion n'a pas changé, pas plus que la loi. Piètre résultat. Comment lutter dès lors contre une société toute entière ?
3) Le mensonge originel
Le seul moyen est de dévoiler la cause des errements de la société, et de la combattre. Mettre la lumière sur une cause quand on est dans l'obscurité est cependant impossible. Comment en effet espérer voir la société faire le bon choix quand elle est aveugle ? L'Evangile de Saint Jean nous l'a déjà enseigné : la vérité nous rendra libre. Le génocide de l'avortement est voilé par un mensonge originel, le mensonge existentialiste. L'embryon ne serait un être humain qu'à partir du moment où il ferait l'objet d'un projet parental : autrement, il n'en est pas un. Je ne ferai pas l'effort d'expliquer la dangerosité de cette pensée, puisque l'objet de ma démonstration est d'étudier les moyens et non la fin. C'est ce mensonge originel qui doit être combattu en priorité. Et le mensonge ne peut être combattu que par la vérité.
Il ne faut donc pas neutraliser la société, mais la libérer, ce qui paraît tâche moins impossible à accomplir. Simple. Facile. Enfantin. Sauf que nous en sommes toujours là. C'est donc que quelque chose d'essentiel manque.
II- La voie de la Charité
1) Pourquoi la vérité ne suffit pas ?
Nos parents se sont enchaînés aux blocs opératoires, et dans d'autres pays nous en avons vu qui passaient à l'acte de manière plus radicale encore. Cette impuissance de la violence désespérée n'est plus à démontrer. Mais la violence peut prendre différents visages. Je me permet de faire appel à l'éclairage d'un souvenir personnel. Quand j'étais adolescente, alors que sur ma cervelle ne pesait pas une once de plomb salutaire, j'en suis venue au poings avec une fille de ma classe. Je lui avais dit que l'avortement était un crime et ses responsables des criminels. Avec le recul, je pense l'avoir tout bonnement insultée, du moins dans son esprit. Pas étonnant dès lors qu'elle me soit tombée dessus. La Vérité nous rendra libre, il est donc essentiel de l'annoncer ; mais annoncer la vérité peut parfois constituer une violence psychologique intense.
2) Vengeance ou justice ?
Pourquoi n'obtenons nous rien par la violence ? Je me trouverais face à une Simone Veil, j'aurais grand mal à me retenir de lui sauter à la gorge, ou au moins de lui envoyer une paire de baffes. Mais ça ne servirait à RIEN ! Pourquoi ? "Oeil pour oeil, dent pour dent" : on appelle ça la vengeance, et non la justice, et la vengeance est inutile. Voilà la distinction capitale qui permet d'expliquer l'échec de cette violence. La véritable justice demande un procès au cours duquel non seulement la culpabilité de la personne est démontrée, mais aussi la peine prononcée en accord avec le bien de la société, et non pas dans une volonté de se venger. En réponse à la théorie de la vengeance proportionnelle, le Seigneur nous demande d'aimer nos ennemis. Mais à quoi, peut-on se demander, le refus de la vengeance par amour du bourreau peut-il servir dans notre combat présent ?
3) La Charité, l'arme suprême
Rappelons tout d'abord que ce combat est un combat pour la vérité. Or, "pour des yeux déformés, la vérité peut porter un visage grimaçant", dit Gandalf à Théoden. D'où les réactions violentes observées lors de certains actions peut-être parfois indélicates des premiers pro-vie, nous l'avons vu en début de partie. A nous dès lors d'offrir des lunettes à notre entourage, c'est la meilleure solution que nous avons (car il n'est évidemment pas question d'arranger la vérité à notre sauce). Ces "lunettes", c'est l'éclairage qu'apporte la Charité. Cette Charité fait en effet la différence entre la violence et la force, entre la vengeance et la justice. "S'il me manque l'amour, je ne suis rien", nous apprend encore Saint Paul. Ainsi, si j'avais eu plus qu'un petit pois dans ma cervelle étant adolescente, avec beaucoup de Charité, j'aurais très certainement obtenu un meilleur résultat avec cette camarade de classe. J'ai d'ailleurs obtenu depuis lors des résultats plus probants dans d'autres occasions, en amenant les gens à découvrir par eux-mêmes la vérité plutôt qu'en la leur assénant d'une manière qu'ils peuvent croire accusatrice.
Conclusion : la force de la vertu.
PRIER ET AGIR pour la conversion des avortueurs ET DE LA SOCIETE TOUTE ENTIERE : voilà la véritable mission, et elle est loin d'opposer la victoire à la vertu. D'une part parce qu'une conversion est beaucoup plus productive, d'un point de vue médiatique, qu'un meurtre. D'autre part parce que le salut d'une âme vaut pour lui-même de toute façon et suffit seul à justifier nos actes. Notre combat ne nous pose ainsi même pas de cas de conscience douloureux, bien au contraire. C'est par la vertu que nous vaincrons. Dans ce combat spirituel pour la vérité, nous qui avons la foi, si la charité n'est pas notre guide, l'espérance sera vaine, ainsi que l'explique encore Saint Paul dans la suite de sa lettre aux Corinthien: "Maintenant donc ces trois-là demeurent, la foi, l'espérance et l'amour, mais l'amour est le plus grand."
Isabelle
Sources :
Evangile selon St Jean, chap 8
Première lettre aux Corinthiens de St Paul.
Nihilant sur "George Tiller : le meutrier était fou"
Le Seigneur des Anneaux, Livre III, de JRR Tolkien
Remarques parallèles sur les deux commentaires :
Elles sont toutes les deux adressées à l'auteur de propos cités, et je les place en fin de note de façon à ne pas polluer l'ensemble du débat ; je conseillerais cependant à la personne visée d'y prêter quelque attention :
Vous nous tombez dessus en critiquant les moyens que nous utilisons alors que c'est vraisemblablement la fin que vous désapprouvez, méthode quelque peu hypocrite. Si cette mauvaise foi s'avérait être une stratégie assumée, par exemple pour éviter une censure e-deonaute, je n'aurais plus qu'à secouer la poussière de mes sandales et aller voir ailleurs. Même le Christ s'est tu devant la mauvaise foi des hommes. Si ce n'est pas le cas, et que vous êtes en fait un partisan des méthodes fortes, je m'excuse de mon interprétation erronée mais vous informe de mon désaccord (cf ci-dessus) !
Reste cependant que vos deux commentaires sont volontairement insultants, au vu des termes employés. Je regrette donc le sentiment d'importance que vous inspirera peut-être cette mise au point. Mais la question soulevée ici traînant peut-être dans un coin de la cervelle de certains d'entre nous, il me paraît intéressant néanmoins de livrer cet argumentaire.
Isabelle,
Tout d'abord je souhaite saluer votre intervention, qui replace enfin le site au niveau de ses prétentions.
En tant que relativiste, je soutiens que la fin importe peu, quand elle n'est pas tout bonnement une notion contestable. N'en déplaise à ceux qui prêchent des vérités universelles.
A votre sens, vous faites également preuve d'un relativisme remarquable, vous interdisant mécaniquement de parler au nom de tous les pro-vie.
Je m'explique : en extrapolant un minimum sur votre discours, je constate que le sacrifice des innocents vous semble surmontable dès lors qu'il sert à regagner l'ordre moral. Cette interprétation du caractère sacré de la vie ne fait pas nécessairement école chez les chrétiens. Et en choquera sans doute plus d'un.
La fin m'importe peu, donc, mais les moyens, eux, m'inspirent toute la beauté de l'homme qui se transcende par une volonté de fer.
Et c'est bien de cette volonté que je doute, à la vue de ce combat qui se transforme en guerre d'usure, les pro-vie perdants un peu plus de terrain chaque année sur les plans pratiques comme moraux.
La "réacosphère" est votre Golem, subtilement encouragé par les plus grands groupes médiatiques (cf. Zemmour) pour mieux cibler, marginaliser, puis essouffler la droite traditionnelle. L'instrument de votre perte, en somme, tandis que la victoire passe évidemment par une infiltration des grands médias, et non par une fausse concurrence de toute façon contrôlée et instrumentalisée.
Votre faiblesse est l'importance que vous donnez à l'espoir, trait typiquement chrétien, qui seul n'a jamais vaincu une institution. Mais je ne doute pas que vous saurez quoi faire.
N.
Rédigé par : Nihilant | 05 juin 2009 à 21h32