"L'Affaire Farewell" de Christian Carion, avec Guillaume Canet, Emir Kusturica, Niles Arestrup, Philippe Magnan, Fred Ward, Willem Dafoe
Synopsis: Moscou au début des années 1980. Pierre Froment, un jeune ingénieur détaché auprès de l'ambassade de France, vient récupérer des documents auprès d'un fonctionnaire soviétique. Pour le jeune expatrié, il ne s'agit que d'un service rendu à son chef de service, une mission de routine sans lendemain. Mais les renseignements que lui procure Serguei Grigoriev, son interlocuteur soviétique, sont de la plus haute importance stratégique et parviennent au président français François Mitterrand et à son homologue américain Ronald Reagan. Aussi la mission de Froment auprès de Grigoriev est prolongée et les deux hommes apprennent à se connaitre. Mais le français ne s'est pas du tout préparé à ce type d'activité et, tandis que se décide l'issue de la guerre froide, lui et Grigoriev doivent lutter pour leur survie et celle de leurs proches.
Les évènements ayant conduit aux révélations sur l'état de faiblesse du système soviétique, puis à son effondrement méritaient bien un film de prestige. L'histoire relate bien les faits qui virent Vladimir Vetrov, humble employé du KGB, dévoiler des renseignements de la plus haute importance stratégique aux officiels occidentaux en poste à Moscou, notamment sur la faiblesse de l'économie soviétique et l'ampleur de l'espionnage communiste en Occident. Des informations suffisament importantes pour permettre à Ronald reagan, président des Etats-Unis, de lancer sa fameuse opération "Guerre des étoiles" et de provoquer ainsi l'effondrement irrévocable de l'URSS. Ici renommé Serguei Grigoriev, le personnage est incarné par le réalisateur Emir Kusturica à qui l'on doit notamment "Underground", "Arizona dream" ou "Chat noir, chat blanc", mais également acteur dans le film "La veuve de Saint Pierre" de Patrice Leconte. Force est de reconnaitre que le cinéaste incarne avec une grande justesse cet homme simple qui sera à l'origine d'un des plus grands bouleversements historiques du siècle dernier. Sobre et charismatique, il forece instantanément l'empathie pour ce personnage qui essaie, parallèlement à son activité de renseignement, de ressouder tant bien que mal des liens familiaux distendus (il trompe sa femme qui a elle-même une aventure avec un collègue de travail). A noter que le rôle devait initiatlement être tenu par l'acteur russe Oleg Menshikov (vue notamment dans "Est-Ouest" de Régis Warnier et "Le barbier de Sibérie" de Nikita Mikalkov) mais celui-ci dut refuser sous pression des autorités russes qui considèrent toujours Vetrov comme un traitre, preuve s'il en est que ces évènements demeurent sensibles. Face à lui, l'ingénieur français Pierre Froment (qui s'appelait à l'origine Xavier Ameil) est interprèté par le bien falot Guillaume Canet. C'est un fait, notre Guillaume national n'est pas franchement un bon acteur, mais, cueireusement, son air ahuri et sa tête de jeune écolier hésitant correspondent assez bien au personnage paumé qu'il incarne et lui confèrent une certaine crédibilité. Les autres acteurs sont à l'avenant et notamment, pour incarner deux des plus grands acteurs politiques des évènements, deux seconds couteaux: Philippe magnan ("Les enfants du marais", "Les acteurs", "Arsène Lupin") dans la peau de François Mitterrand et Fred Ward ("Plus jamais", "Fashion victim") en Ronald reagan, tous deux très convaincants et d'une ressemblance physique surprenante, même si on aurait put souhaiter un Reagan moins caricatural en président cow boy se repassant ses anciens films. Le film est réalisé par Christian Carion, déjà auteur "Une hirondelle fait le printemps" mais aussi du ridicule "Joyeux noel", ode niaise au pacifisme pleurnichard et bien pensant avec déjà Guillaume Canet, mais cette fois pas crédible une seule seconde. Fort heureusement, pour ce film, le réalisateur se montre bien plus inspiré. Délaissant le manichéisme et le sentimentalisme de son précédent film, il filme de manière sobre et juste, rendant très vivant le chemin de ses deux protagonistes, hommes ordinaires qui sont amenés à participer à des évènements extraordinaires. Si les intrigues politiques au sommet sont bien abordés (de manière évidemment succintes, leur ampleur étant bien trop grande pour un film), l'histoire s'attarde sur ces deux personnages qui doivent parallèlement remplir leur mission et mettre de l'ordre dans leur famille, Grigoriev tentant de se réconcilier avec son fils qui le méprise à cause de sa maitresse et Froment devant affronter la désapprobation claire de sa femme sur sa mission, menaçant même de le quitter. La famille, cocon salvateur, refuge sûr, est donc mise à rude épreuve dans cette participation au conflit idéologique mondial. La fin est évidemment assez triste puisque, conformément aux faits réels, Grigoriev se fait arrêter bêtement et exécuter, non s'en s'être réconcilié auparavant avec son fils, en acceptant courageusement son destin (Vetrov avait effectivement refusé de passer à l'Est, arguant que c'est de l'intérieur que l'on peut changer les choses). Une élévation d'âme et un sens de l'engagement qui sont plutôt bienvenus en cette ère d'égoisme et de lâcheté généralisé. Pierre Froment parvient de son côté à fuir avec sa famille (leur fuite est d'ailleurs décrite avec un sens du suspens haletant!) et découvrira le cynisme nécessaire du monde de l'espionnage politique de cette fin de Guerre froide.
Il s'agit donc d'un très bon film historique sur un épisode clé de l'histoire contemporaine, qui plus est français, ce qui est assez remarquable quand on songe aux désastres de nombre d'autres films historiques de chez nous. A voir!
Raspail
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