La 6e édition de la Marche pour la vie aura été, à tous égards, un
tournant. Jamais je n’y avais vu autant de monde. Autant de jeunes et
autant de vieux. Autant de familles et autant de prêtres. Autant de
dynamisme et autant de bonne humeur. Quelque chose a changé : ce
quelque chose, c’est le soutien du cardinal primat des Gaules, le
cardinal Barbarin et de plus de 20 autres évêques, c’est l’annonce de
la manifestation dans des paroisses catholiques, c’est la présence d’un
évêque. Or dans ce combat qui est politique et social, rien ne va si
cette dimension morale et spirituelle n’est pas aussi présente. Elle
fut au rendez-vous, galvanisante.
Mgr Dominique Lebrun
n’était sans doute pas très visible dans le cortège, l’immense cortège
dont la tête arrivait à peine sur la place de l’Opéra quand les
derniers milliers de marcheurs « priants » quittaient celle de la
République. Mais l’évêque de Saint-Etienne – se disant un peu surpris,
raconte le « Salon beige » qui a pu échanger quelques paroles avec lui,
d’être le seul évêque présent et surtout le premier – a voulu
accompagner ses ouailles. Ce faisant il a brisé un mur de silence, il a
montré qu’est possible ce que beaucoup croyaient impossible, il a donné
un témoignage qui est aussi un exemple.
Autre tournant : les prêtres en soutane des différents instituts et
fraternités traditionnels étaient nombreux, et même plus nombreux que
les années précédentes (une dizaine de la seule Fraternité Saint-Pierre
autour des abbés Ribeton, Pozzetto, Le Coq…) mais on n’avait carrément
jamais vu autant de prêtres diocésains et religieux en clergyman. Ni de
religieuses, comme ce groupe de Missionnaires de la charité. Leur
dénominateur commun ? La jeunesse. C’est le nouveau visage de l’Eglise
de France : si elle manque cruellement d’ouvriers pour la moisson, ceux
qui ont entendu l’appel divin ont un souffle et un enthousiasme à nous
gonfler le cœur.
A comparer avec la Marche pour la vie de
Washington, on mesure certes le chemin qui reste à parcourir.
Outre-Atlantique, les écoles défilent avec leur aumônier, les
paroissiens avec leur curé, les communautés religieuses avec des
dizaines de membres présents. Et l’esprit est plus libre – chacun vient
avec son identité, sa pancarte, son slogan, pourvu qu’il partage
l’objectif, demander qu’il n’y ait plus d’avortement légal, sans
exception. A Paris, ceux qui voulaient clairement afficher leur foi
étaient relégués en fin de cortège, un peu coupés de lui, pour pouvoir
prier publiquement et ensemble. Or dans ce combat il ne peut y avoir
d’exclusive.
Au bout du compte, la 6e Marche pour la vie aura aussi montré que
des gens très divers peuvent occuper la rue côte à côte et que la
défense de la vie, de sa beauté, de l’espérance dont elle est porteuse
est un puissant fédérateur pour le bien. On ne l’avait jamais ressenti
aussi fortement.
Et cette nouveauté est un vrai signe
d’espoir. Dans le métro, le métro « envahi par les doux » à la fin de
la marche, j’entends un couple d’âge déjà mûr se réjouir de ce qu’ils
viennent de voir et d’entendre. Je devine qu’ils militaient, eux, du
temps de la loi Veil. Ils se souviennent des manifestations d’alors.
« Mais à l’époque, les jeunes n’étaient pas dynamiques comme
maintenant : ils sont pleins de courage, ils en veulent, ils sont
joyeux, ils sont nombreux ! Et puis de notre temps, il n’y avait pas de
prêtres… »
Dom Louis-Marie, père abbé du Barroux, dont la
présence fut applaudie à tout rompre, était au cœur des marcheurs
priants de la fin de la Marche. Pourquoi un moine bénédictin vient-il à
une telle manifestation ? Il rit de ma demande : « Mais enfin, c’est
évident ! » Et pressé par moi d’en dire davantage : « Je suis là pour manifester notre indignation et notre protestation. On a reproché à Pie XII
de s’être tu, alors qu’il avait de bonnes raisons de ne pas parler tout
haut. Aujourd’hui le monde se tait, alors qu’il n’y a aucune raison de
le faire. Nous n’avons pas le droit de nous taire, c’est ce que je
viens crier ! »
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