par José Castano
Héros pour les uns, traîtres pour les autres, l’histoire des harkis est
mal connue des Français. Dans le langage courant, on désigne
aujourd’hui sous le nom de harkis toutes les catégories de supplétifs
de la guerre d’Algérie : harkis, moghaznis, Groupes Mobiles de Sécurité
(GMS), Groupes d’autodéfense (GAD), unités territoriales et auxiliaires
de la gendarmerie, à l’exclusion des appelés et des militaires sous
contrat. C’est en janvier 1955 que, pour les besoins de guerre d’Algérie,
virent le jour les premières unités musulmanes, en l’occurrence 30
goums de 100 hommes : les Groupes mobiles de protection rurale (GMPR),
qui deviendront ensuite Groupes Mobiles de Sécurité (GMS), comparables
à nos Compagnies Républicaines de Sécurité (CRS).
Le 5 septembre 1955, le gouverneur Jacques Soustelle créera les
sections administratives spécialisées (SAS), chargées d’encadrer les
zones rurales. Protégées par un maghzen de 25 à 50 moghaznis, 700 SAS
seront créés et complétées par 30 sections urbaines (SAU). Elles
contribueront à l’armement de 2000 villages en autodéfense. Les
moghaznis seront 20 000, en 1962.
Le 8 février 1956, les premières harkas destinées à participer aux
combats, voient le jour. A partir de 1957, las de la tyrannie du FLN
qui multiplie les sévices à l’encontre des populations autochtones du
bled : enlèvements, rançons, égorgements, razzias sur les douars,
sévices multiples et raffinés, les habitants vont se soulever et
rejoindre en masse l’armée française. 114 GMS seront créés, soit 19000
hommes, ainsi que 700 sections administratives spécialisées et urbaines
(SAS et SAU).
En décembre 1958, à l’initiative du général Challe, le nombre des
harkis passera de 28000 à 60000. Ils formeront d’efficaces groupes de
combat œuvrant au plus près des soldats d’élite, paras et légionnaires
et commandos. Par ailleurs, 2000 douars représentant 55000 hommes
armés, seront placés en autodéfense, soit un total de 223000 soldats
autochtones qui combattront sous l’uniforme français avec une
efficacité et une ardeur reconnues de tous…
S’étant engagés davantage pour la défense de leurs familles que pour la
solde, les supplétifs étaient opposés à la conception totalitaire du
parti unique du Front de Libération Nationale (FLN). Ils faisaient
confiance à l’armée pour faire évoluer l’Algérie dans un sens
démocratique et égalitaire et, surtout, pour faire obstacle à la
terreur du FLN qui s’imposait, notamment de nuit, dans les villages. Le
rappel du général Challe en mars 1960 ne permit pas de mener à bien son
projet de Fédération des Unités Territoriales et des autodéfenses, qui
aurait constitué un parti français opposé au FLN.
Fin 1958, la guerre est pratiquement terminée sur le terrain. Le FLN,
exsangue, ne se maintient plus que par ses attentats sournois et
barbares. R. MADAOUI, alors officier de l’Armée de Libération Nationale
(ALN), rejoindra, comme sous-lieutenant, une unité régulière de l’armée
française dans l’Ouarsenis puis, plus tard, les rangs de l’OAS. Il
écrira : « L’espoir est si grand que la Wilaya IV (la plus puissante et
la sienne) pavoise aux couleurs de la France, que les rebelles cessent
les attentats et déposent leurs armes devant les mairies ». Ainsi, les
fellaghas, eux-mêmes, sûrs de leur impuissance, brandissent des
drapeaux français dans leurs repaires…
L’ex officier de l’ALN, Ali BOUZIANE, qui rejoindra les harkis du
fameux « Commando Georges », unité crée par le Colonel BIGEARD, écrira
sur ce point : « La population, qui était notre raison de combattre et
notre soutien, nous abandonne. J’ai confiance en De Gaulle, et mes
frères dans le maquis aussi. Nous avons été trompés, et l’Algérie
heureuse, nous la ferons avec lui ».
De Gaulle, désormais installé à l’Elysée, reçoit le Bachaga BOUALAM qui
lui dit : « Mon général, donnez-moi 500000 harkis, et vous pouvez
renvoyer tous les appelés chez eux ; je vous garde l’Algérie à la
France. » De Gaulle ne répondra mot et, contre toute attente, se
prononcera pour l’intégration, solution utopique que ni les Musulmans,
ni les Européens, ni les militaires, ne croient.
Fin 1958, la victoire est donc acquise et reconnue de tous ; la paix
désormais possible… mais elle ne se fera pas par la seule volonté d’un
homme, miné par la rancune que lui inspire le peuple d’Algérie (Tous
des Pétainistes! (sic)) et le pays retombera dans ses incertitudes et
ses interrogations…
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